Chapitre 6- Joshua.

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"Mon amour". C'est comme ça que je suis censé surnommer Sam dans la pièce de théâtre. Le blond a eu l'air abasourdi en apprenant qu'il allait devoir m'embrasser, et d'après ce que j'ai vu, il ne savait pas encore comment j'allais le nommer.

Nous sommes maintenant mercredi, c'est la récréation et la sonnerie va retentir dans cinq minutes et dix-sept secondes. Après cette sonnerie, ce sera le cours de théâtre, et pendant ce cours, nous allons simplement lire nos passages à voix haute. Ce qui veut dire que, devant tout le monde, je vais appeler Sam "Mon amour" et qu'on devra littéralement flirter.

J'ai lu le texte, dans son intégralité, et j'ai comparé avec la version originale de Roméo et Juliette. Je dois avouer que les modifications me plaisent beaucoup, elles ne sont pas de trop, ne font pas étranges et trouvent parfaitement leur place. Le prof a vraiment fait du bon travail, et je trouve également qu'il a bien choisi quel personnage j'allais interpréter. Ambroise est vraiment intéressant, j'ai hâte de me glisser dans la peau de ce personnage.

C'est agréable de ne pas être soi pendant un temps défini, n'est ce pas ? Si ce temps-là pouvait être indéfini, je crois que ça me plairait aussi.

Alors que je ressors mon téléphone de ma poche pour vérifier l'heure, et ainsi savoir dans combien de minutes et de secondes la sonnerie va retenir, une voix stridents et désagréable vient me déranger :

Pas de téléphone dans les couloirs jeune homme ! La prochaine fois, c'est deux heures de retenue !

Je me tourne vers la surveillante qui vient de m'aboyer dessus, et je suis surpris de voir son mouvement de recul. Je laisse mon téléphone retomber dans ma poche et dévisage cette dame en attendant qu'elle ajoute quelque chose, ou bien qu'elle dégage d'ici, mais qu'elle fasse quelque chose.

Ça ira pour cette fois, commence-t-elle à minauder en battant des cils.

Intérieurement, j'explose de rire. Extérieurement, je garde un masque impassible, même si je dois me mordre la joue pour ne pas me moquer ouvertement d'elle. Je ne supporte pas les surveillantes qui veulent un peu trop se rapprocher des élèves. C'est juste bizarre, et vraiment malsain.

Par chance, la sonnerie retentit, et je m'éloigne rapidement sans un mot. C'est parti pour éviter le plus possible cette surveillante, elle me met déjà mal à l'aise.

Je rejoins Sam et Nora devant la porte de la salle de théâtre. Accompagnée d'un sourire solaire, la brune me propose joyeusement un bonbon. Il faut croire qu'elle en a tous les jours. J'accepte avec joie - joie est un grand mot, puisque mon ton s'est seulement fait un peu plus enjoué qu'à mon habitude - puis sors mon téléphone une énième fois pour regarder l'heure. La sonnerie a maintenant retentit depuis une minute et huit secondes, et le reste de la classe n'est même pas encore arrivé.

Sam arrive souvent en retard en cours, sauf pour le théâtre. Il n'y a que lundi qu'il est arrivé en retard, mais pour le théâtre il est toujours à l'heure. En avance même.

Mais dans les autres matières, il est beaucoup moins concentré, moins intéressé. Il aime vraiment le théâtre, ça se voit, mais pour le reste...je crois qu'il fait le reste uniquement par obligation.

T'as l'air fatigué, tout va bien ? s'enquiert Sam avec gentillesse.

Je suis seulement perdu dans mes pensées.

Enfin, je crois. J'ai du mal à savoir quand je suis vraiment fatigué ou non, puisque la fatigue est quelque chose qui me suit depuis longtemps.

Tout va bien, ne t'en fais pas.

Une part de moi lui dit de s'en foutre de moi, je ne mérite aucune compassion ou inquiétude.

Mais une autre partie de moi, bien plus enfouie, lui hurle de s'inquiéter pour moi. Même si je suis beaucoup moins instable que les deux dernières années, je ne suis pas à l'abri d'une rechute. Je ferai tout pour ne pas briser le cœur de ma grand-mère une nouvelle fois, bien sûr, mais on ne peut pas savoir de quoi est fait le futur.

CINQ ACTESOù les histoires vivent. Découvrez maintenant