Les monstres n'existent pas.
Du moins, c'est ce que j'avais toujours cru jusque-là. Mais avant de vous conter mon histoire, je dois vous expliquer le contexte dans lequel ma famille est passée d'une charmante bourgade du nom de Bruz en France à une misérable et terrifiante maison de coron située dans un petit village de Belgique. Je m'appelle Michaël Blanchart et, à l'époque, j'étais un adolescent de dix-sept ans passionné d'histoire. J'adorais lire des romans historiques mais j'étais également passionné par le paranormal. Bizarre ? Peut-être, mais j'étais fait ainsi. J'étais aussi très introverti, ce qui n'était pas pratique pour se faire des amis, je l'avoue. Du haut de mon mètre quatre-vingts, j'avais tendance à intimider mes camarades, mais cette impression ne durait pas dès qu'ils se rendaient compte de ma timidité maladive. Le nez toujours dans mes bouquins, je m'étais donc forgé la réputation d'un géant solitaire. Un géant affublé d'une longue chevelure noire, d'un nez aquilin et des yeux bleu azur. Avant de quitter Bruz, j'étais inscrit dans une école catholique privée du nom de Providence. Mon père, Jean Blanchart, Français de naissance, travaillait au Crédit Agricole de Bruz. Il adorait son travail. Malheureusement, m'avait-il expliqué un soir, quand vous êtes performant, et mon père l'était, vous avez des problèmes avec ceux qui veulent en faire le moins possible et vous finissez par les gêner. Dix années ont suffi à mon père pour comprendre que seuls les « piranhas », comme il les appelait, s'en sortaient. Bien que la banque ait mis toute une politique en place pour le bien-être au travail, le bureau des ressources humaines était bien trop éloigné du terrain pour défendre efficacement ceux qui mettaient toute leur énergie et leur temps au service du client. Ainsi, après une décennie d'heures supplémentaires, de pressions quotidiennes et d'exigences de plus en plus sollicitées, mon père avait fini par craquer. Il était rentré un soir, la mine sombre et les yeux rougis, et avait annoncé à ma mère qu'il allait démissionner. Il avait l'air si vieux, si fragile que j'en ai eu le cœur serré. A quarante-deux ans, ses tempes étaient déjà grisonnantes et il paraissait usé. Lui qui avait toujours été d'une nature enjouée, qui aimait rire et était d'un naturel optimiste m'a paru ce soir-là comme éteint. Je me souviens l'avoir vu s'asseoir en silence à la table de la cuisine, mettre son visage dans ses mains et fondre en larmes.
De toute ma vie, je ne l'avais jamais vu dans cet état. Mais il est vrai que quand on est jeune, on ne remarque pas toujours quand une personne va mal. Et comme mon père était toujours de bonne humeur quand il rentrait du travail, je ne m'étais jamais demandé si tout allait bien pour lui en général. J'étais dans le salon en train de faire mes devoirs et je voyais donc la cuisine. Ma mère, qui était en train de préparer le dîner, n'avait pas répondu mais s'était avancée vers mon père et l'avait serré dans ses bras. Il avait l'air si désemparé que j'allais me lever pour le rejoindre mais je vis ma mère secouer la tête, m'intimant de rester à ma place. Tout en caressant doucement ses cheveux, elle le laissa s'épancher dans ses bras et quand ses sanglots se transformèrent en simples reniflements, elle lui donna un mouchoir et le rassura en lui promettant que tout allait s'arranger. Ils trouveraient une solution ensemble, comme ils l'avaient toujours fait. Elle était ainsi, ma mère. Toujours positive, toujours aimante, toujours disponible. Italienne de naissance, ma mère Sylvia Giorno était femme au foyer depuis ma venue au monde. Avant de rencontrer mon père, elle vivait en Belgique, dans un village appelé Péronnes Charbonnage. Elle venait d'une famille nombreuse d'immigrés italiens qui avaient travaillé dans les mines de charbon. Heureusement, c'était bien après l'horrible accident du Bois du Cazier, où plus de deux cent trente mineurs avaient péri dans un incendie souterrain. Son père et sa mère avaient mis tout en œuvre pour scolariser leurs quatre enfants, et quand ma mère eut terminé ses études secondaires, elle décida de s'inscrire aux Beaux-arts de Paris et quitta donc son pays natal pour suivre ses cours, logeant dans un petit appartement partagé avec d'autres étudiants. C'est là qu'elle le rencontra. Il faisait un Master en sciences juridiques et financières. Ils eurent le coup de foudre immédiat. Oui, c'est un peu fleur bleue, mais c'est ainsi que mes parents m'ont toujours raconté leur rencontre. Et quand je les revois dans mes souvenirs, après tant d'années de mariage, je me dis qu'ils avaient raison. Que c'était ça le grand amour. Quand mon père fut enfin calmé, il sembla remarquer ma présence et se força à sourire en me demandant : Alors, comment tu vas champion ? Comme d'habitude, il essayait de me rassurer. Je me levais et allais l'embrasser. Nous avions une très belle relation, lui et moi. Je lui répondis que tout allait bien et lui retournais la question. Il devait voir l'inquiétude sur mon visage car il se leva et me serra dans ses bras en m'assurant qu'il était simplement fatigué. Une voix se fit entendre à l'autre bout de la maison. Ma mère se dirigea vers la chambre d'amis où se trouvait mon grand-père Antonio, que j'appelais Nonno. Mon grand-père vivait avec nous depuis le décès de sa femme, il y a de cela plus de vingt ans. Je n'ai pas eu la chance de la connaître mais mon Nonno m'en avait si souvent parlé que je me sentais proche d'elle sans l'avoir jamais vu.
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La prison de verre - Derrière Le Miroir
TerrorMichaël Blanchart, adolescent français doit quitter la France avec sa famille pour vivre en Belgique dans un petit village reculé de la région binchoise. Dès son arrivée dans la maison de son grand-père, une sinistre maison de corons, des phénomènes...