Chapitre 12

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À plus d'une centaine de kilomètres de là, le Père Rosso se tenait devant une maison modeste, éclairée par la lune. Il serrait la clé USB dans sa main comme un talisman. Il avait peur. Peur de ce qu'il avait vu, peur de ce qu'il allait dire, peur de ne pas être cru. Il se décida enfin et frappa à la porte avec force. Quelques minutes plus tard, la porte s'ouvrit sur le visage bienveillant de l'évêque de leur paroisse, Monseigneur Vendetta. C'était un homme bon et ouvert d'esprit, qui avait toujours soutenu le Père Rosso dans son ministère. Il était tard et pourtant il n'était pas couché, vêtu d'une simple soutane. Il observa le prêtre avec inquiétude, voyant l'angoisse qui déformait ses traits. Il le fit entrer sans un mot. –Que se passe-t-il, Mario ? Qu'est-ce qui vous amène à une heure si tardive ? L'évêque conduisit le prêtre dans un petit salon. Une vieille dame les rejoignit, portant un plateau contenant du thé, de la crème et du sucre. Elle sortit discrètement du salon et l'évêque se tourna vers le Père Rosso. –Alors, Mario, qu'est-ce qui vous trouble à ce point ? Le prêtre commença donc à lui raconter les tourments que subissait la famille qui lui avait demandé de l'aide. L'évêque l'écouta sans l'interrompre, buvant son thé à petites gorgées. Quand le prêtre eut fini son récit, l'évêque lui posa une série de questions. –Etes-vous sûr qu'il s'agit bien d'une possession démoniaque ? Au vu des antécédents de cette famille, n'y aurait-il pas une explication médicale ? Le prêtre soupira. Il serrait toujours la clé dans sa main et la tendit à son supérieur. Celui-ci la prit sans poser de question, se dirigea vers son bureau et en sortit un ordinateur portable. Il l'alluma et y inséra la clé. Quand les images commencèrent à défiler, les yeux de l'évêque s'écarquillèrent. Il regarda les images jusqu'à la fin puis se tourna vers le père Rosso. –Mon Dieu ! Est-ce possible ? Comment avez-vous obtenu ces images ? Avec toute la technologie dont on dispose aujourd'hui, il ne serait pas difficile de monter ce genre d'image. Le Père Rosso le regarda d'un air las. –Je vous assure que ces images sont authentiques, Monseigneur. Comme vous pouvez le constater sur ces images, j'étais présent au moment des faits. Vous avez pu voir ces images mais il y a autre chose. Les dossiers sur la clé regroupent les témoignages d'Antonio et de Vittorio sur une période de vingt ans. La famille actuelle n'était pas au courant de ces événements. De plus, que dire de cet homme qui passe au travers de ce miroir ? Sans compter l'atmosphère que dégage cette demeure. Non, je vous assure, Monseigneur, tout ceci n'est pas un canular bien élaboré mais l'horrible vérité. Je suis venu vous demander votre aide. Il faut que nous aidions cette famille sinon je crains une issue fatale pour chacun d'entre eux. Il est de notre devoir de chrétien de les aider à chasser les forces démoniaques qui y sévissent. L'évêque regarda le prêtre en silence. Marco était son assistant depuis près de trente ans. Il avait toujours été un excellent prêtre et avait toujours mit sa foi avant tout. De plus, il n'était pas du genre à croire au surnaturel. S'il demandait de l'aide, c'est qu'il était certain de ce qu'il avançait. L'évêque se leva en invitant le Père Rosso à le suivre. Ils se dirigèrent vers une porte en bois foncé sur lequel un crucifix était accroché. L'évêque ouvrit la porte et alluma la lumière. Le père Rosso le suivit sans rien dire. Il observait les murs où était représentée une photo du Pape Jean-Paul II. Sur le mur au dessus de la cheminée se trouvait une illustration du Christ chassant les démons d'un pauvre pécheur et les envoyant dans un troupeau de porcs qui se jetaient dans un lac. Sur l'autre mur, la Sainte Vierge tendait les bras vers le ciel dans un halo de lumière. Devant la cheminée, une petite table de salon était entourée par deux fauteuils à dos droits. Un petit bar renfermait quelques bouteilles de vin. L'évêque s'assit dans l'un des fauteuils et invita le prêtre à faire de même. Il se servit un verre de vin et en proposa un au prêtre qui refusa poliment. –Mario, vous venez de me montrer des images troublantes. Je ne sais pas quoi en penser. Mais je vous connais depuis longtemps et je vous fais confiance. Si vous dites que cette famille est en danger, je vous crois. Mais que voulez-vous que je fasse ? Je ne suis pas un exorciste, je n'ai pas le pouvoir de chasser les démons. Le prêtre le regarda avec espoir. –Monseigneur, vous êtes l'évêque de cette paroisse. Vous avez l'autorité pour demander l'intervention d'un exorciste officiel du Vatican. Je vous en supplie, faites-le avant qu'il ne soit trop tard. L'évêque hocha la tête lentement. –Très bien, Mario. Je vais faire ce que vous me demandez. Mais je vous préviens, ce ne sera pas facile. Il faut obtenir l'autorisation du Vatican, trouver un exorciste disponible, organiser son voyage, son hébergement, sa sécurité... Tout cela prend du temps et de l'argent. Et pendant ce temps, que va-t-il se passer dans cette maison ? Le prêtre baissa les yeux. –Je ne sais pas, Monseigneur. Je ne sais pas ce que ces démons ont prévu pour cette famille. Mais je sais qu'ils sont puissants et maléfiques. Je sais qu'ils ne reculeront devant rien pour les détruire. Je sais qu'il faut agir vite, très vite... L'évêque posa sa main sur l'épaule du prêtre. –Courage, Mario. Nous allons faire tout notre possible pour les aider. Dieu est avec nous, il ne nous abandonnera pas. Il nous donnera la force et la sagesse nécessaires pour combattre ces forces du mal. Ne perdez pas espoir, Mario. Ne perdez pas la foi...

L'évêque se leva de son fauteuil et se dirigea vers un bureau en bois massif, surmonté d'un grand crucifix. Il fouilla dans plusieurs tiroirs et en sortit un livre relié de cuir, une fiole d'eau bénite et une tenue de cérémonie. Il fit signe au Père Rosso de s'approcher. Sa voix était grave et solennelle.

– Marco, c'est à vous que je confie cette mission. Vous devez exorciser madame Blanchart au plus vite. Quant à ce pauvre Jimmy, je crains de ne pouvoir vous être d'aucun secours. Vous savez très bien que l'Église ne reconnaît pas l'existence des fantômes, ni celle des mondes parallèles, à part le Paradis. Il vous faut trouver quelqu'un qui ait des méthodes moins conventionnelles pour ce genre de situation.

Le Père Rosso sentit un frisson lui parcourir l'échine. Il regarda l'évêque avec incrédulité.

– Un sorcier ? Un chamane ? Mais où voulez-vous que je trouve une telle personne, Monseigneur ? Et que dira le Diacre si jamais il l'apprend ?

L'évêque posa une main rassurante sur l'épaule du Père Rosso et l'invita à s'asseoir.

– Ne vous inquiétez pas pour le Diacre, Marco. Il n'a pas besoin de savoir. Quelles que soient les preuves que vous lui apporterez, l'Église ne donnera jamais son aval pour la cérémonie. Il vous faut un médium capable de voyager dans l'au-delà. Je sais que je ne devrais pas croire en ces choses-là, mais j'ai toujours eu l'esprit ouvert. Au cours de ma vie, j'ai assisté à des phénomènes inexplicables et j'ai rencontré des gens dotés de dons extraordinaires. Bien sûr, l'Église les traite d'imposteurs, mais ce n'est pas mon cas. Vous ne seriez pas venu me voir, sinon. N'est-ce pas ?

Le Père Rosso acquiesça. Il était soulagé que l'évêque le soutienne dans sa démarche. Celui-ci lui tendit le livre qu'il tenait dans les mains. Le Père Rosso reconnut un ouvrage rare de la Bible, qui contenait toutes les prières et les formules nécessaires à un rituel d'exorcisme. Il l'avait vu une seule fois au Vatican, lorsqu'il avait prononcé ses vœux. Il prit le livre avec respect et le serra contre sa poitrine.

L'évêque lui donna ensuite la fiole d'eau bénite venant de Lourdes et lui remit la tenue de cérémonie. C'était une aube blanche immaculée, une étole pourpre et une chasuble brodée d'or. Ces vêtements symbolisaient la puissance de Dieu lors d'un combat spirituel. Le Père Rosso les prit avec précaution et les ajouta aux objets sacrés que l'évêque lui avait confiés.

– Avant de partir, mon père, j'aimerais vous demander quelque chose.

Le Père Rosso se tourna vers l'évêque et attendit sa requête.

– Si vous réussissez à sauver Jimmy et sa mère, pourriez-vous revenir me raconter comment cela s'est passé ? J'aurais aimé être à vos côtés, mais ma santé ne me permet plus de mener ce genre de combat.

Le Père Rosso vit la tristesse dans les yeux de l'évêque et lui sourit avec compassion.

– Bien sûr, Monseigneur, répondit-il. Je vous promets un rapport complet des événements. Merci pour votre aide.

L'évêque leva la main, comme pour dire que cela n'était rien, et raccompagna le Père Rosso à la porte.

– Je prierai pour vous et pour la famille Blanchart, Marco. Que Dieu vous protège.

Le Père Rosso le remercia une dernière fois et sortit de la pièce. Il sentit le poids de sa responsabilité sur ses épaules. Il devait à tout prix trouver un médium, et vite. Le temps lui était compté. Il ignorait ce qui se tramait dans l'autre monde, mais il pressentait que le danger était imminent.

La prison de verre - Derrière Le MiroirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant