Chapitre 34

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Jimmy était resté auprès de Philippe qui surveillait la progression de Mark, Jean et Billy à travers la caméra du sous-sol. L'image était brouillée, mais le son était clair. Ils virent le trio avancer vers le fond de la pièce et découvrir ce qui se cachait derrière le rideau en même temps qu'eux. Jimmy fut saisi par la vue du miroir. Même à travers l'écran, il sentait son pouvoir d'attraction. Il comprit alors que ce miroir était le passage vers le monde parallèle que le docteur s'était créé. Il réfléchit vite. Il n'était pas un spécialiste du vaudou, mais il connaissait les principes des portails. Si la sortie était dans la chambre des jumeaux, l'entrée devait être dans la cave. Il appela le Père Rosso. Celui-ci répondit aussitôt. -Jimmy ? Quoi de neuf ? Avez-vous retrouvé Michaël ? Jimmy trépignait d'impatience. –Mon Père, je n'ai pas le temps de tout vous expliquer. C'est la folie ici. Mais j'ai besoin de vous demander un service. Ne me posez pas de questions, le temps presse. Pouvez-vous venir tout de suite ? J'ai besoin de vous pour sceller le portail de la chambre de Michaël. Je suis sûr que vous savez faire ça. Le Père Rosso hésita un instant. Il réfléchit quelques secondes. –Je pense pouvoir le faire, mais qu'en est-il des âmes prisonnières de l'autre côté ? Nous ne pouvons pas les abandonner ! Elles doivent continuer leur chemin ! Jimmy soupira. –Ne vous inquiétez pas, mon Père. J'ai un plan et je pense qu'il a des chances de marcher. Mais dépêchez-vous, s'il vous plaît. Sur ce, Jimmy raccrocha. Il croisa les regards d'Antoine et de Philippe qui le questionnaient du regard et se rapprocha d'eux. –Tu as vraiment un plan ou tu improvises ? lui demanda Antoine. Jimmy lui sourit. –Un peu des deux. J'espère ne pas me tromper. Mais je vais avoir besoin de votre aide à tous les deux aussi. Il leur exposa son idée. À en juger par leur expression, Jimmy vit qu'ils n'étaient pas du tout emballés par son idée. –Tu ne peux pas faire ça, Jimmy. C'est trop dangereux ! Et Billy, tu y as pensé ? Philippe regarda Jimmy avec tristesse. C'est vrai que ce n'était pas le meilleur plan du monde, mais il ne voyait pas d'autre solution. Il fallait qu'il tente le coup. Voyant que Jimmy était déterminé, Antoine et Philippe se résignèrent. –Promets-nous de ne rien faire avant qu'on te donne le feu vert. Il faut respecter le timing à la lettre. Découragés, les deux hommes lui firent la promesse demandée. –Billy ne nous le pardonnera jamais ! dit Philippe d'un air désolé. Jimmy posa la main sur l'épaule de son ami. Il était désolé de leur imposer ça, mais la situation l'exigeait. Il n'y avait pas d'autre issue possible. –Ne t'en fais pas, Philippe. Billy comprendra que c'était la seule façon de faire. Et puis, c'est moi qui vous ai obligés à faire ça. Vous n'êtes pas responsables. Philippe secoua la tête et baissa les épaules. –OK, Jimmy. On fera comme tu dis. Jimmy leur sourit et leur expliqua les différentes étapes de son plan. Il venait juste de finir quand le Père Rosso arriva. Il portait sa tenue de cérémonie et avait apporté tout le matériel que l'Évêque lui avait confié. Sans perdre de temps, Jimmy lui demanda de monter à l'étage et de sceller le portail du placard. Le Père Rosso observa un moment ce jeune homme. Il ne savait pas pourquoi, mais il avait l'impression que c'était la dernière fois qu'ils se voyaient. Jimmy sentit l'angoisse du prêtre et lui fit un faible sourire. – Ne vous en faites pas, mon Père. Tout ira bien. Scellez cette porte puis, quand Philippe et Antoine vous le diront, descendez à la cave et suivez leurs instructions. Le prêtre accepta de monter à l'étage pour tenter de purifier la chambre. Il sentit une différence dans l'atmosphère, moins oppressante qu'avant, mais toujours inquiétante. Le portail qui s'ouvrait dans le placard semblait moins actif, moins menaçant. Il espéra que c'était bon signe. Il déposa son matériel sur le bureau de l'adolescent et commença le rituel. Il récita des prières de libération pour Antonio et ses fils, prisonniers de ce lieu maudit. Il vit des boules de lumière se détacher du portail et se diriger vers la fenêtre, comme si elles cherchaient à s'échapper. Il pria encore plus fort, demandant à Dieu de refermer cette brèche infernale. Il s'approcha prudemment du placard et constata avec soulagement qu'il n'y avait plus rien d'anormal. Plus aucune vibration, plus aucune présence. Il aspergea le cagibi d'eau bénite et y fixa un crucifix. Les boules de lumière avaient disparu. Le prêtre espéra que les âmes d'Antonio et des jumeaux avaient trouvé la paix. Il redescendit rejoindre les deux techniciens au moment où Jimmy et le sosie de Michaël franchissaient le miroir. Le Père Rosso n'en crut pas ses yeux. Quelle sorcellerie était-ce là ? Comment cela pouvait-il être possible ? Il se tourna vers les techniciens et Antoine lui expliqua ce qu'ils avaient découvert sur l'entité. Le Père écoutait avec attention. –Donc, vous me dites que ce n'est pas un démon ? Que cette chose que nous affrontons depuis si longtemps n'est que le fantôme d'un homme ? Philippe intervint à son tour. –Pas n'importe quel homme, mon Père. Un homme qui pratiquait la magie vaudou. Je sais que l'Église ne croit pas en ces choses-là et les considère comme des impostures, mais après tout ce que nous avons vu, je pense que vous devriez revoir votre jugement. Cet homme avait des dons particuliers depuis son enfance et la gouvernante haïtienne les a transformés en quelque chose de très noir. Quand on fait le bilan de tous les événements depuis l'arrestation du docteur, on ne peut que constater qu'on est dans le domaine du surnaturel. Sinon, comment expliquer qu'il ait pu s'évader d'un véhicule blindé sans l'aide de ses gardiens ? Comment a-t-il pu survivre sans son corps physique ? C'est de la magie noire, mon Père. Mais vous pouvez quand même nous aider. Le Père Rosso le regarda avec étonnement. –Vous aider ? Mais comment ? Je ne suis pas un sorcier ! Philippe s'assit à côté du Père et lui exposa le plan de Jimmy. Plus il parlait, plus il voyait que le Père Rosso était réticent à cette idée. –N'y a-t-il pas une autre solution ? C'est du suicide ! Antoine se leva et s'approcha du Père Rosso. –Je sais, mon Père. Nous sommes du même avis. Mais c'est la dernière volonté de Jimmy et nous avons accepté. Il est trop tard pour reculer maintenant. Jimmy a traversé le miroir. Nous devons attendre son signal et ensuite nous irons à la cave et nous ferons ce qu'il nous a demandé. Le prêtre semblait déchiré intérieurement. Les deux techniciens lui laissèrent le temps de réfléchir. Le Père Rosso les regarda d'un air désolé puis finit par s'asseoir en soupirant, l'air résigné. –S'il n'y a pas d'autre solution, je vous suivrai donc. Antoine et Philippe le remercièrent et se remirent devant les écrans, attendant le signe de Jimmy. Rien n'avait changé dans la cave. Sylvia gisait toujours sur la table d'autopsie, Jean était pétrifié comme une statue de pierre et Mark et Billy étaient enchaînés au mur. Le miroir scintillait, attendant le retour de Jimmy et de son double maléfique. Les deux hommes faisaient les cents pas, impatients et angoissés. 

La prison de verre - Derrière Le MiroirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant