Chapitre 28

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Le lendemain, quand j'ai repris connaissance, j'ai raconté au dernier garçon ce que j'avais vu la veille mais il m'a traité de fou. Il n'avait rien entendu et il refusait de voir le docteur comme le monstre qu'il était. Je lui ai parlé de la nourriture et je lui ai dit que nous étions sûrement drogués pour nous endormir. Il a commencé à avoir des doutes mais c'est à ce moment-là que le docteur est revenu. Il avait l'air content ce jour-là et il nous a laissé sortir un peu de nos cages. Je lui ai demandé où était le petit garçon et il m'a répondu que mon ami avait été si coopératif qu'il avait pu rentrer chez lui et qu'il l'avait ramené lui-même chez ses parents. Je savais que c'était un mensonge mais je n'ai rien dit. L'autre garçon a paru soulagé et il m'a regardé comme si j'étais le menteur. Je n'ai plus essayé de le convaincre et j'ai profité de notre liberté relative pour chercher un moyen de m'échapper. Je voulais aller du côté du rideau pour lui montrer que je disais la vérité mais le docteur nous avait attachés avec une chaîne autour du torse et un cadenas qui était relié à un anneau dans le mur du fond, loin de la pièce derrière le rideau. En fouillant, j'ai trouvé un gros clou qui traînait sur le sol et je l'ai caché dans ma bouche. Pendant toute la journée, mon colocataire a lu des livres et mangé des bonbons que le docteur nous avait donnés en échange de notre discrétion. Il nous avait expliqué que ses recherches étaient très importantes et qu'il devait les garder secrètes jusqu'à leur réussite. Il nous avait dit aussi que nous serions des héros quand il présenterait ses travaux aux médecins car c'était grâce à nous qu'il avait progressé. Mon ami souriait et gobait ses paroles. Mais moi, je savais ce que j'avais vu et je savais qu'il mentait. Alors, pendant que mon ami s'amusait, j'ai observé la cage où je dormais la nuit. Les panneaux en verre de la cage étaient maintenus par des barres en fer vissées tout autour. J'ai vu qu'avec le clou, je pouvais dévisser les vis sans faire tomber les panneaux. J'ai donc passé le reste de la journée à dévisser pour affaiblir la structure. Je le faisais sans que mon compagnon ne s'en aperçoive car j'avais peur qu'il me dénonce au docteur. Mais il était trop occupé par sa lecture pour me surveiller. J'ai vérifié que la structure tienne encore assez pour ne pas éveiller les soupçons du docteur. J'ai essayé plusieurs fois d'entrer dans la cage pour m'assurer qu'aucun panneau ne s'écroule quand je montais dedans et ça marchait. Le soir, quand le docteur est arrivé avec les plateaux repas, j'ai fait semblant de rien et j'ai mangé le moins possible en prétextant une douleur au ventre. Il m'a donné un médicament que j'ai fait semblant d'avaler. Nous avons regagné nos cages et j'ai prié pour que rien ne s'effondre mais, heureusement pour moi, la cage est restée stable. Il continuait à nous raconter ses histoires, mais je voyais bien que mon ami n'en pouvait plus. Il s'était endormi, la tête penchée sur le côté. J'ai décidé de faire comme lui et de fermer les yeux. Peut-être que le docteur nous laisserait tranquilles si on faisait semblant de dormir. Plus tard, j'ai entendu des pas dans l'escalier. J'ai entrouvert les yeux et j'ai vu le docteur s'approcher de nos cages. J'ai retenu mon souffle, espérant qu'il ne remarquerait pas que j'étais éveillé. Mais il a passé devant ma cage sans s'arrêter et s'est dirigé vers celle de mon ami. J'ai senti une vague de culpabilité me submerger. J'aurais voulu l'aider, le sauver de ce monstre, mais je savais que c'était ma seule chance de m'échapper. C'était lui ou moi. Alors, quand le docteur a sorti mon ami de sa cage et l'a posé sur la table, j'ai profité de son inattention pour agir. J'ai poussé doucement les panneaux de ma cage, en faisant attention à ne pas faire de bruit. Les panneaux ont cédé et j'ai pu sortir de ma prison. Le docteur était trop absorbé par son rituel macabre pour me voir. Il tenait un couteau à la main et s'apprêtait à faire subir à mon ami le même sort que la veille. Quand il a enfoncé le couteau dans le corps de mon ami et que celui-ci s'est mis à hurler, j'ai pris mes jambes à mon cou. Je ne sais pas si le docteur m'a poursuivi. Je n'ai pas regardé derrière moi. Je me suis précipité vers les escaliers et j'ai débouché dans la maison du docteur. J'ai reconnu la porte du cabinet de consultation et j'ai suivi les indications pour trouver la sortie. Par chance, la porte d'entrée n'était pas verrouillée. J'ai couru comme un fou vers ma maison. Je me souviens encore de la sensation du froid sur mes pieds nus dans la neige. J'avais mal partout, j'étais affamé et épuisé. Quand je suis arrivé au cimetière, j'ai perdu connaissance. Quand je me suis réveillé, j'étais ici, à l'hôpital. Le garçon se tut. Il avait l'air vidé par son récit. L'inspecteur le remercia pour sa bravoure et le laissa avec le psychiatre. Mais avant de quitter la chambre du garçon, celui-ci lui lança une dernière phrase. –C'est le Diable, vous savez. Son miroir brillait d'une lumière bleue à chaque fois qu'il nous tuait. Comme s'il aspirait nos âmes. Ce miroir, c'est la porte des Enfers.

Fin du témoignage d'Arthur Rizzo, 9 novembre 1975.

La prison de verre - Derrière Le MiroirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant