. Au début, il nous parlait du corps humain, de ses organes et de ses fonctions. Mais ensuite, il se mettait à parler d'un autre monde, qu'il disait être le monde de la connaissance. Moi, je croyais qu'il parlait du Paradis, comme le curé à l'église. Alors je l'écoutais avec attention. Mais à chaque fois que je finissais de manger, je me sentais très fatigué et je m'endormais. Le lendemain, quand je me réveillais, il y avait un garçon en moins dans la pièce. Au début, on était content car on pensait que le docteur l'avait relâché et qu'il était rentré chez lui avec plein d'argent. Mais le jour suivant, il y en avait encore un qui avait disparu. Et le surlendemain, encore un autre. Il ne restait plus que moi et Loris, le plus jeune. On commençait à avoir peur. Le docteur nous laissait sortir de notre cage une fois par jour pour aller aux toilettes et nous laver, mais il nous surveillait tout le temps. Il nous donnait des jouets et des livres pour nous distraire, mais on n'avait pas envie de jouer ni de lire. On voulait juste rentrer chez nous. Mais le docteur nous disait toujours que c'était bientôt fini, qu'il avait presque terminé ses recherches et qu'on allait bientôt être libres. Dans la pièce, il y avait un grand rideau en velours qui cachait quelque chose. Je voyais le docteur passer derrière de temps en temps, mais je ne pouvais pas voir ce qu'il y faisait. Ma cage était trop loin et il faisait trop sombre. Je me demandais ce qu'il y avait derrière ce rideau. Nous étions quatre au début, enfermés dans des cages comme des animaux. Le docteur nous disait que nous étions des héros, que nous participions à une expérience scientifique très importante pour l'humanité. Il nous racontait des histoires fantastiques sur le monde extérieur, sur les merveilles qu'il y avait à découvrir. Il nous donnait à manger et à boire, mais aussi des cachets qu'il disait être des vitamines. Il nous faisait passer des tests, des prises de sang, des électrodes sur la tête. Il nous souriait toujours, mais il y avait quelque chose de faux dans son regard.
Deux jours plus tard, il n'en restait plus que trois. J'ai demandé au docteur ce qu'était devenu le quatrième garçon, celui qui était dans la cage d'en face. Il m'a dit qu'il avait terminé son rôle dans l'expérience et qu'il était rentré chez lui, retrouver sa famille. Mais il avait l'air nerveux, et il a vite changé de sujet. J'ai eu un mauvais pressentiment. Les autres garçons aussi étaient troublés. L'un d'eux m'a confié qu'il avait fait un cauchemar horrible, où il entendait des cris déchirants mais qu'il ne pouvait pas se réveiller. Au matin, il avait vu que la cage de son ami était vide.
Ce soir-là, j'ai feint d'avoir mal au ventre et je n'ai presque rien touché à mon repas. Le docteur a froncé les sourcils, mais il m'a tendu un médicament en me disant que ça allait me soulager. J'ai fait mine de l'avaler, puis je l'ai écouté me raconter ses histoires habituelles avant de me souhaiter bonne nuit. Quand il est parti, j'ai fait semblant de dormir, comme mes amis. Mais je restais aux aguets.
Au milieu de la nuit, j'ai entendu la porte s'ouvrir et des pas descendre l'escalier. C'était le docteur, qui tenait une bougie à la main. Il s'est approché d'une des cages et a jeté un coup d'œil à l'intérieur. Il a hoché la tête, puis il est passé à l'autre cage. Je savais qu'il allait venir vers moi ensuite, alors j'ai fermé les yeux et j'ai ralenti ma respiration. Il est venu près de moi et a éclairé mon visage avec sa bougie. J'ai senti son souffle sur ma joue, et j'ai eu envie de hurler. Mais je suis resté immobile, espérant qu'il me croie endormi. Il a fini par s'éloigner, et j'ai entrouvert les yeux pour le suivre du regard.
Ila écarté le rideau qui divisait la pièce et j'ai aperçu avec horreur une tableen métal au milieu. Il a ouvert la cage du garçon et l'a porté sur la table. Ila allumé des bougies qui révélaient des machines sinistres accrochées au mur.Un immense miroir et des chandeliers sur un buffet ancien ajoutaient àl'ambiance lugubre. L'odeur était nauséabonde. C'était l'odeur de laputréfaction. J'ai vu le docteur examiner le garçon et s'assurer qu'il étaitendormi. Puis, il a retiré son pull et sa chemise et j'ai remarqué des signesétranges gravés sur sa chair. Je ne savais pas ce qu'il tramait mais j'avaispeur. Je restais immobile. Il ne paraissait pas me voir. Il a prononcé unesorte de formule dans une langue étrange. Ensuite, il s'est badigeonné d'unecrème et il a dessiné des figures sur le corps de mon ami. Je ne pouvais pasvoir ce qu'il dessinait car j'étais trop loin et allongé au sol. Et c'est làque je l'ai vu brandir un énorme couteau. Je me demandais ce qu'il allaitinfliger à mon ami mais je ne pouvais rien faire. J'étais enfermé et si jecriais, il me tuerait. Je l'ai donc vu planter le couteau dans le torse de monami. Celui-ci s'est réveillé en hurlant de douleur. Ses cris étaientterrifiants. Ça n'a pas cessé pendant des minutes qui m'ont paru des heures.Quand le silence est revenu, le docteur s'est tourné vers un plateau où il yavait des objets scintillants. La lumière des bougies se reflétait dessus.J'étais tétanisé. J'avais envie de hurler, de pleurer mais je savais que pourrester en vie, je devais continuer à faire semblant d'être endormi. Il s'estapproché du corps de mon ami et j'ai entendu des bruits répugnants, comme quandmon père découpait un cochon et lui brisait les côtes pour le vider. Mon pèreest boucher. Quand le docteur s'est redressé, il tenait quelque chose desanglant dans ses mains. C'était le cœur de mon ami. Il l'a posé sur la tablebizarre avec le miroir. Puis, il s'est penché de nouveau sur mon ami et lui aouvert le ventre. Je n'ai pas pu supporter et je me suis évanoui.
VOUS LISEZ
La prison de verre - Derrière Le Miroir
TerrorMichaël Blanchart, adolescent français doit quitter la France avec sa famille pour vivre en Belgique dans un petit village reculé de la région binchoise. Dès son arrivée dans la maison de son grand-père, une sinistre maison de corons, des phénomènes...