Chapitre 37

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Jimmy resta bouche bée. Il ignorait ce qui se passait. La couche blanche montait progressivement sur les membres de la créature. Le docteur se débattait de toutes ses forces pour se libérer de cette membrane qui l'emprisonnait comme un cocon. Il essayait de la déchirer mais ses doigts la traversaient. Jimmy était fasciné par ce qu'il voyait. La membrane semblait partir de ses pieds et remonter le long de son corps. Elle avait déjà recouvert ses jambes, son ventre, sa poitrine. Le docteur hurlait de rage et de désespoir. -Sale petit médium ! cracha-t-il à l'adresse de Jimmy. Quel est ton tour de passe-passe ? Tu crois que tu vas me tuer et t'échapper ? Tu te trompes ! Si je meurs, tu resteras prisonnier ici à jamais ! Jimmy était pétrifié. Il ne savait pas d'où venait cette chose qui attaquait le docteur. Il n'avait rien fait pour la provoquer. Quand la membrane atteignit le cou du docteur, Jimmy vit avec stupeur le visage d'Andréa apparaître à travers la substance gluante. Elle avait l'air de souffrir atrocement. Elle regarda Jimmy avec un mélange de tristesse et de détermination. Elle lui parla d'une voix faible : -Fuis, Jimmy ! Fuis tant qu'il est temps ! Je ne peux pas le retenir longtemps ! Cours vers le miroir ! Jimmy hésita. Il ne voulait pas abandonner Andréa. Mais elle lui dit encore : -Fuis, Jimmy ! C'est trop tard pour moi ! Fuis et sauve-toi !

Jimmy vit le docteur se transformer à nouveau en monstre. Il comprit que la résistance d'Andréa faiblissait. Le cocon se craquelait de partout, laissant apparaître les griffes, les crocs, les yeux rouges du monstre. La lumière d'Andréa était presque éteinte, engloutie par les ténèbres. Il n'y avait plus rien à faire pour la sauver. Jimmy se précipita vers le portail, le cœur serré. Il jeta un dernier regard vers le monstre qui se libérait de sa prison. Il vit son regard de haine se poser sur lui. Il entendit son rire dément résonner dans la pièce. Il sauta dans le portail sans réfléchir. Le miroir devint transparent et Jimmy tomba aux pieds de son frère. Billy n'eut pas le temps de dire un mot qu'Antoine et Philippe attrapèrent Jimmy et l'éloignèrent du portail. Jimmy se mit à crier : -Dépêchez-vous ! Cassez-le ! Cassez-le ! Les deux hommes saisirent des barres de fer qui traînaient sur le sol et frappèrent le miroir de toutes leurs forces. Le miroir se fissura en plusieurs endroits et, avant de se briser complètement, ils entendirent tous les hurlements de colère du monstre qui était resté de l'autre côté. Puis, il y eut une explosion. Des éclats de verre volèrent dans tous les sens. Ils se protégèrent le visage avec leurs bras. Quand le calme revint, Billy se précipita vers Jimmy, le releva et le prit dans ses bras. Le prêtre s'approcha du miroir brisé et le bénit avec de l'eau sainte tout en récitant une prière de protection. Quand il eut fini, il poussa un soupir de soulagement. C'était fini. Enfin ! Ils avaient vaincu cette horreur. Le groupe se rassembla et le prêtre leur demanda de former un cercle en se tenant par la main. -Il nous reste une dernière chose à faire, leur dit-il. Nous allons prier pour la libération des âmes qui ont été captives de cette créature maléfique pendant si longtemps. Ils se prirent tous par la main et le prêtre commença sa prière. Des petites sphères de lumière apparurent dans l'air. Il y en avait une trentaine. Elles scintillèrent un instant, puis s'envolèrent vers le plafond de la cave. Elles étaient libérées. Il n'en resta que trois. Elles prirent brièvement une forme humaine et Sylvia éclata en sanglots. C'était son père et ses frères. Ils s'approchèrent d'elle, lui touchèrent l'épaule avec tendresse, puis disparurent à leur tour. Ils étaient en paix. La prière se termina et ils remontèrent tous à l'étage. Jean arracha le crucifix de la main du prêtre et le cloua sur la porte de la cave. Mark le regarda avec étonnement. -On n'est jamais trop prudent, dit Jean avec un sourire forcé. Mark haussa les épaules et ne dit rien. Michaël resta un moment dans le couloir et observa les lieux. L'endroit semblait plus clair et plus serein. Il n'y avait plus aucune trace de malveillance. Pourtant, il avait du mal à réaliser qu'il avait réussi à vaincre le monstre. Il se sentait encore faible et nauséeux. Il rejoignit les autres. Et c'est ainsi que la vie reprit son cours normal. Le monstre avait été vaincu et la famille retrouva peu à peu son équilibre.

Billy et Jimmy se rendirent à l'hôpital où ils apprirent la mort d'Andréa. Ils organisèrent les funérailles, la pauvre femme n'ayant plus de proches. Michaël et ses parents y assistèrent. Le prêtre Rosso, qui avait pratiqué l'exorcisme, rentra chez lui et rédigea un rapport détaillé des événements pour l'évêque. Il lui annonça également sa décision de quitter son poste de curé de la paroisse. Après tout ce qu'il avait vécu, il se sentait trop vieux pour affronter les forces du mal. Ce qu'il ne dit pas, c'est qu'il faisait des cauchemars horribles où il entendait encore les cris du démon qu'il avait combattu. Il se retira dans un monastère où il finit ses jours dans une relative tranquillité. Mais il ne put jamais oublier l'histoire de la famille Giorno.

Billy et Jimmy rentrèrent chez eux. Billy, avec l'accord de Sylvia et Jean, écrivit un livre sur les événements qu'ils avaient vécus, en changeant les noms pour des raisons évidentes. Il remporta le prix du meilleur roman d'horreur de l'année. Jimmy rejoignit une association qui luttait contre la cruauté envers les animaux. Il ne se servit plus de son don pendant longtemps. Il avait confié à Billy ce qu'il avait vu dans le portail : l'apparition d'Andréa et le cocon qu'elle avait formé autour du docteur. Cela l'avait profondément bouleversé. Billy avait fait des recherches approfondies sur ce phénomène, mais il n'avait jamais trouvé d'explication satisfaisante. Il ne savait pas non plus si Andréa était déjà morte quand elle s'était attaquée au docteur, ou si son corps était encore vivant. Il se demandait ce qu'était devenue son âme. Était-elle coincée dans ce monde parallèle, s'il existait encore, ou avait-elle été libérée avec les autres victimes ? Toutes ces questions le tourmentaient et l'empêchaient de trouver le sommeil les nuits d'hiver où le temps semblait suspendu et que la lumière blafarde du matin n'arrivait pas à réchauffer la journée qui commençait. 

La prison de verre - Derrière Le MiroirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant