Chapitre 24

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Tout avait commencé par une série de disparitions d'animaux de compagnie dans le petit village de Binche, en Belgique. Les soupçons se portaient sur le fils d'un riche entrepreneur américain, William Phillips, qui s'était installé dans les environs avec sa gouvernante haïtienne, Blanche Mbala, une dizaine d'années auparavant. Le père était un homme respecté et apprécié, qui avait créé son entreprise de construction et offert du travail à de nombreux habitants. Le fils, Robert, était un garçon solitaire et taciturne, éduqué à domicile par la gouvernante. Celle-ci, quant à elle, était regardée avec méfiance et curiosité par les voisins, qui la trouvaient bizarre et l'avaient surprise en train de pratiquer des rituels étranges la nuit.

La police avait été alertée, mais sans preuve ni indice, l'affaire avait été classée sans suite. Les habitants avaient alors décidé de s'organiser en comité de vigilance et de surveiller leurs animaux. Pendant un temps, les disparitions s'étaient arrêtées et le calme était revenu.

Mais un soir, tout bascula. Une promeneuse vit Blanche Mbala égorger un chat sur un autel orné de symboles inconnus, en psalmodiant des paroles incompréhensibles. À ses côtés se tenait Robert, qui semblait participer au sacrifice. La femme s'enfuit en hurlant et alla prévenir le pasteur du village. Celui-ci l'écouta avec effroi et lui conseilla d'alerter la police. Cette fois, les forces de l'ordre ne tardèrent pas à intervenir. Ils arrêtèrent la gouvernante et internèrent le fils dans un asile. Le père fut interrogé mais il se défendit en invoquant les croyances de son employée, qui étaient courantes en Haïti. Il ne fut pas inquiété davantage, mais il perdit la confiance et l'estime de ses voisins.

Quand les policiers lui mirent les menottes, le jeune homme ne résista pas. Il les suivit docilement jusqu'au fourgon qui l'emmena à l'asile. Là-bas, il subit des traitements douteux, censés le guérir de sa folie. Les psychiatres qui s'occupaient de lui découvrirent son intérêt obsessionnel pour l'occultisme et sa connaissance impressionnante du vaudou haïtien. Le jeune homme était taciturne et méfiant, mais il se mettait à parler avec passion quand on abordait ses sujets favoris. En fouillant sa chambre, on trouva un journal intime où il racontait son attirance morbide pour la dissection et l'anatomie humaine. Il prétendait que c'était par curiosité scientifique, car il rêvait de devenir chirurgien. Il resta interné pendant deux ans, sans faire parler de lui. Puis il fut libéré pour bonne conduite et retourna chez son père. Celui-ci l'inscrivit dans une faculté de médecine, où il apprit tout ce qu'il y avait à savoir sur la chirurgie. Le jeune Robert se révéla très doué et apprécié de ses professeurs et des chirurgiens qu'il assistait lors d'opérations délicates. Ses camarades d'études, en revanche, le trouvaient bizarre et inquiétant. Il ne cherchait pas à se lier avec eux et s'enfermait dans sa chambre dès la fin des cours. Quand il obtint son diplôme et qu'il quitta la faculté, son père reçut une plainte de la part de l'établissement pour dégradation de biens privés. Des photos montraient la chambre du jeune homme, dont les murs étaient couverts de symboles étranges et le sol jonché de cadavres d'animaux en putréfaction. Certains organes, comme le cœur ou les intestins, avaient été prélevés. Il y avait aussi des traces de brûlures, probablement causées par des bougies. Le père régla l'affaire en payant les frais de rénovation et en offrant une somme rondelette au directeur pour qu'il se taise. Robert continua sa vie comme si de rien n'était, malgré l'inquiétude grandissante de son père. Ils vivaient seuls tous les deux, la gouvernante ayant été renvoyée en Haïti et personne ne voulant travailler pour eux. Les gens du voisinage se méfiaient du jeune homme, sentant qu'il cachait quelque chose de sombre.

Robert avait ouvert son cabinet de médecine et s'était vite fait une solide réputation. Il était très doué et ne faisait pas payer les ouvriers de l'entreprise de son père. Au début, les gens avaient cru qu'il voulait se racheter de ses erreurs passées et de son implication dans les affaires louches de sa femme. Ils lui avaient accordé le bénéfice du doute et l'avaient accepté dans la communauté. Pendant plusieurs années, tout se passa bien. Les patients étaient satisfaits des soins du Dr Phillips et le calme était revenu parmi les habitants. Après tout, ce jeune homme avait été victime d'une femme étrange aux pratiques douteuses. Il était jeune, il méritait une seconde chance. On oublia donc ces histoires.

La prison de verre - Derrière Le MiroirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant