Chapitre 8

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Il s'écarta subitement et un cri monta doucement dans sa gorge. Mais avant que le son n'en sorte, il entendit une voix sifflante lui dire : - Je serais vous, j'éviterais de crier. Il va nous entendre.

Le cœur battant, Jimmy dirigea sa lampe de poche vers le son de la voix.

La personne qui était devant lui était de sexe masculin. Il était habillé d'un pyjama et semblait porter un masque en plastique autour de la bouche.

Un vieillard aux yeux écarquillés par l'effroi se tenait devant lui. Il devait avoir dans les soixante-dix ans, mais il ne semblait pas dangereux. Jimmy s'approcha lentement et lui demanda son nom. - Vous savez très bien qui je suis, jeune homme, murmura l'ombre. Je vous ai reconnu tout de suite. Jimmy le dévisagea et ressentit un étrange soulagement. Oui, il savait. Il avait vu son visage sur les photos que la famille lui avait montrées. C'était Antonio Giorno, le grand-père de Michaël. Il se rapprocha encore et remarqua qu'un anneau métallique était incrusté dans sa poitrine. Une chaîne sans fin y était attachée. Antonio suivit son regard et soupira tristement. - Il me tient. C'est comme ça qu'il nous contrôle. Jimmy ne comprenait pas. - Qui est-il ? Qu'est-ce qu'il veut ? Comment sortir d'ici ? Et où sommes-nous, d'ailleurs ? Antonio parut paniqué par ce flot de questions et posa un doigt glacé sur les lèvres de Jimmy, lui faisant signe de se taire. Il tendit l'oreille, comme s'il craignait d'être entendu, puis alla s'asseoir sur la chaise en face de la commode. Il fixait le carré de lumière et des larmes coulaient sur ses joues. - Je ne sais pas ce qu'il est, avoua-t-il à Jimmy. Mais je crois savoir ce qu'il veut. Il veut nous avoir tous. Je pensais que si je me sacrifiais, il épargnerait ma famille. Mais ça n'a pas marché. Il ne cessera jamais de tourmenter les miens, et tous ceux qui vivront dans cette maison. Il m'avait promis de libérer mes fils si je me laissais emporter. J'étais condamné de toute façon et c'était une façon de me racheter de mes fautes passées. Mais il m'a trompé. Et maintenant, je suis prisonnier ici, avec mes fils.

Il désigna la garde-robe entrouverte d'un geste tremblant. Jimmy sentit un frisson lui parcourir l'échine quand il distingua deux silhouettes sombres qui l'épiaient du fond de l'armoire. Lentement, les deux ombres s'extirpèrent de leur cachette et se dirigèrent vers Jimmy. Elles s'approchèrent jusqu'à frôler son visage d'un souffle glacé. Jimmy braqua sa lampe sur ces apparitions et fut saisi d'horreur. C'étaient les jumeaux. Roberto et Julio. Eux aussi portaient cet anneau métallique à la poitrine et cette chaîne sans fin. Mais ce qui horrifia Jimmy, c'était l'état de leur visage. Michaël les avait décrits à l'équipe quand il les avait vus dans le miroir. Il avait dit que leurs yeux étaient écarquillés par la peur et que leurs bouches étaient béantes sur un cri muet. Ce que Jimmy voyait n'avait plus rien à voir. La voix d'Antonio résonna dans le noir. - C'est lui qui leur a fait ça. Pour les punir d'avoir demandé de l'aide. Et pour me faire souffrir aussi. Il m'a forcé à regarder, vous savez. J'ai essayé de le stopper mais je n'ai rien pu faire. Si vous ne sortez pas d'ici, vous allez mourir et vous finirez sûrement comme ça. Jimmy resta pétrifié puis reporta sa lampe sur le visage des jumeaux. Leurs yeux et leurs bouches étaient cousus avec un fil épais et noir. Ils tendaient les bras vers Jimmy en implorant de l'aide. Jimmy n'en pouvait plus. Il poussa un hurlement déchirant et tout devint noir autour de lui. Quand il reprit conscience, Jimmy était seul dans la chambre. Il était allongé sur le lit. Il se redressa brusquement et regarda autour de lui, affolé. Où étaient passés Antonio et ses fils ? Et qu'allait-il lui arriver ? Il descendit prudemment du lit et se dirigea vers l'armoire. La porte était fermée. Jimmy posa sa main sur la poignée mais se ravisa. Il ne voulait pas revoir les visages mutilés des jumeaux.

Ilfouilla la chambre du regard, sans faire de bruit, mais ne découvrit aucunindice pour s'échapper. Il se résolut donc à quitter la pièce à la recherche d'unautre portail qui pourrait le ramener. Il devait bien y avoir une sortiequelque part, s'il avait pu entrer d'un côté. Le problème était de la trouversans tomber sur la chose qui hantait les lieux. Il sortit de la chambre etdescendit les marches de l'escalier avec précaution. La maison où il setrouvait était la copie conforme de celle des Blanchart. Tout y était délabréet sale, mais identique. Jimmy sentit son téléphone vibrer dans sa poche. Ilregarda autour de lui et sortit son écran de sa main. Par miracle, sontéléphone captait une sorte d'onde qui lui donnait un peu de réseau. Il tentale coup et appela Mark. Il fut soulagé d'entendre la tonalité et quand ondécrocha, il hurla le nom de Mark. À l'autre bout du fil, Mark criait son nomet lui demandait où il était. Jimmy essaya de lui expliquer mais la ligne étaitparasitée et ses mots devaient être inaudibles. Il répéta à Mark ce qui luiétait arrivé, en haussant la voix, et s'arrêta net en entendant un grognementimmense derrière lui. Son corps se figea sur place. Derrière lui, il sentaitles vibrations de quelque chose d'énorme qui se rapprochait. Il resta pétrifié,sans dire un mot. Il entendait toujours Mark hurler dans le téléphone maisn'osait plus lui répondre. Le bruit de pas lourds se rapprochait de lui. Ilfallait qu'il se cache. À regret, il raccrocha le téléphone et chercha unecachette du regard. 

La prison de verre - Derrière Le MiroirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant