Chapitre 14

49 6 0
                                    


Quand elle se réveilla si bien le lendemain, au passage de l'équipe de jour à 7h, elle crut d'abord avoir rêvé. Tout cela n'était pas réel : c'était juste ce dont elle avait le plus envie après son désir de vivre.

Mais elle se souvint alors de la chaleur de sa main sur la sienne, de sa caresse douce sur son visage avant de partir et de son tutoiement. Elle n'osait croire tout ça réel et avait terriblement peur d'avoir mal, tout en ressentant une nouvelle émotion l'étreindre.

L'infirmière prit sa tension, puis se tourna vers elle :

- Demain, bilan de contrôle, et le Dr LAVERNE passera voir votre cicatrice. Et peut-être qu'alors, ce sera la sortie !

Lisa, au lieu d'être soulagée, se sentit d'un coup angoissée, alors qu'elle était si bien l'instant d'avant.

Elle appréhendait tant ce moment : sa cicatrice, elle, dans toute sa nudité, son amputation, sa mutilation. De plus, si elle sortait, elle ne le verrait plus. Et finalement, c'est peut-être ça qui lui faisait le plus peur. Désirant changer de pensées, elle demanda :

- Ça a été cette nuit ? Pas trop mouvementée ?

L'infirmière rangeait le brassard, tout en répondant :

- Si, ce fut un peu raide en fin de nuit, le Dr LAVERNE est d'ailleurs sûrement encore couché. Il ne viendra que dans la journée pour la visite.

Lisa hocha la tête. Elle avait hâte de savoir si elle avait rêvé ou non et surtout, elle avait besoin de le voir.

À nouveau, la journée s'étira en longueur. Heureusement, ses parents arrivèrent en début d'après-midi.

- Ma Lisa, tu veux faire un petit tour? Il fait si beau et presque bon aujourd'hui ! Histoire de prendre l'air ?

Oui, elle s'en sentait le courage et en avait très envie. Après avoir demandé l'autorisation aux infirmières, on leur prêta un fauteuil pour éviter qu'elle ne se fatigue de trop et ses parents l'empaquetèrent littéralement afin qu'elle n'attrape pas froid. Ce fut un moment de franche rigolade qui fit du bien à Lisa.

Une fois arrivés dans le jardin des malades, ils s'installèrent face au soleil, Lisa dans son fauteuil au bout du banc. Elle ferma alors les yeux et profita de sa douce chaleur sur son visage. Et quand elle ouvrit les yeux, elle le vit : il sortait de l'internat, la grosse bâtisse récente juste en face d'eux, et marchait d'un pas décidé vers l'hôpital, les rayons du soleil jouant sur ses mèches de cheveux. Et elle sut, à cet instant précis, qu'elle était tombée amoureuse de lui, comme ça, sans vraiment se connaître, juste comme si c'était écrit. Il leva alors les yeux et son regard croisa celui de Lisa. Le sourire qu'il lui retourna la fit chavirer et elle lui rendit sans réfléchir, oubliant tout ce qui se trouvait autour d'elle. 

D'ailleurs, elle ne remarqua pas sa mère, surprise, suivre la direction vers laquelle elle était tournée et voir le médecin - apaisant- passer. Alors, elle aussi eut la sensation qu'on lui passait un peu de baume au cœur : quoi qu'il se passe, elle n'avait pas vu sa fille avec un tel sourire depuis bien longtemps.

Lisa et ses parents remontèrent et passèrent une partie de l'après-midi à parler, échanger sur les dernières trouvailles pour leur boutique et sur l'après et le retour. Lisa avait décidé qu'il était mieux, même si ce n'était que pour quelques jours, qu'elle aille finir sa convalescence chez ses parents.

Ils partirent au moment du dîner et Lisa se laissa somnoler doucement jusqu'à ce qu'à 20h, on toque doucement à sa porte. Quand il entra, elle fut juste heureuse de sa présence. Il prit la chaise et s'installa à son côté, face à elle, puis il prit la parole :

- Bon, je suis de garde jusqu'à demain matin, mais je resterai jusqu'en fin de matinée. On va défaire le pansement quand je serais là et si tout est bon, ainsi que le bilan, vous pourrez rentrer chez vous dès mardi.

Le sourire de Lisa vacilla. Après-demain, que c'était court comme temps restant. Et tout à coup, elle douta, elle se mit à croire qu'elle avait tout imaginé. A cause de son avenir incertain, ses traitements, ce crabe, tout... Et cela dû se lire sur son visage car il inclina légèrement la tête et la dévisagea :

- Je m'attendais à un peu plus de joie.

Oui, il y a encore une semaine, elle aurait été ravie, mais là... Et puis, elle se sentait si bête, qu'avait-elle cru ? Sans oser le regarder, elle enchaîna :

- Je ne m'attendais pas à ce que vous soyez si ... pressé de me voir partir.

Elle se mordilla la lèvre, un peu gênée. Il sembla réfléchir quelques instants, puis son regard accrocha le sien de façon si intense que Lisa osa à peine respirer :

- Très bien Lisa, on va jouer cartes sur table. Plus vite tu iras mieux, plus vite tu sors de cet hôpital et plus vite tu n'es presque plus ma patiente.

Au fur et à mesure que les mots pénétraient le cerveau de Lisa et qu'elle en comprenait tout leur sens, son cœur s'emballait. Il reprit :

- Plus vite, si tu t'en sens le courage et si tu en as envie, on pourra aller boire un café. Sans hôpital, sans blouse, juste toi et moi. Alors, prête pour la sortie mardi ?

Elle ne comprenait pas vraiment à cet instant ce qui pouvait lui donner envie d'aller boire un café avec elle : sans cheveux, un foulard faisant office de chapeau, un sein mutilé, un crabe menaçant son existence même. Mais il ouvrait la porte à une multitude d'espoirs qui la transportait au-delà de tout. Et puis, elle avait si peur d'avoir mal compris, qu'elle changea vite de sujet :

- Pourquoi une telle carapace ? Vous êtes si différent en vrai.

Il sembla, encore une fois, chercher ses mots :

- Je ne sais pas pourquoi je suis si différent avec toi. Tu apaises mon côté ... ours mal léché. Je ne sais pas comment, mais tu arrives à le faire.

Lisa fut si émue et touchée, qu'elle enchaîna sans trop réfléchir.

- Vous venez de m'inviter à sortir avec vous ou je rêve ? Demanda-t-elle avec une touche de défi et d'insolence dans le regard.

Il entremêla alors ses doigts aux siens doucement sur le dessus du lit et elle se laissa faire aimant sentir la sensation de sa chaleur et de sa main tout contre la sienne. Ils passèrent ainsi plusieurs minutes à se regarder au bout desquelles, elle sentit ses yeux se fermer, souhaitant juste s'endormir ainsi. Il resta à son tour un moment, son regard posé sur elle, caressant doucement le dos de sa main avec son pouce, jusqu'à ce qu'il la sache vraiment endormie.

Oui, il l'avait invité à sortir et il ne le regrettait pas, même s'il ne se reconnaissait pas vraiment. Cette femme était exceptionnelle, il voulait la connaitre plus, il voulait la soutenir, la sauver, l'étreindre. Il voulait être là pour elle, en tant qu'homme et non plus en tant que médecin.

Une fois sûr qu'elle dormait, il sortit sur la pointe des pieds et jeta un dernier regard à Lisa. La nuit tombait et il apercevait la ville se parer de ses lumières par la fenêtre et, devant ce tableau, elle était là, son foulard bleu turquoise tranchant sur le blanc des draps. Il se fit alors la réflexion qu'elle était juste magnifique et n'en avait même pas conscience.

Il ferma doucement la porte et retourna à sa garde.

L'amour du dernier espoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant