Son père avait insisté pour la conduire à l'hôpital et elle s'était laissé faire. Ses parents étaient un tel moteur pour elle et, en même temps, elle s'en voulait tant de leur imposer tout ça. Quand la sonnette retentit, elle fermait son sac.
Elle alla ouvrir la porte :
- Bonjour papa.
Il entra, ses cheveux épais et gris, tout ébouriffés comme à leur habitude, et l'embrassa. Puis, de sa démarche un peu dégingandée, il passa le pas de la porte :
- Bonjour ma chérie. Ça va, tu te sens d'attaque ?
Elle hocha la tête doucement et il alla prendre ses affaires.
- Tu as tout, c'est bon ? Enfin, au pire, je referais un aller-retour tu sais.
Elle passa un regard rapide autour d'elle :
- Non, je pense que j'ai tout. Le chirurgien pense qu'il y en a pour une semaine d'hospitalisation. Le temps de tous les examens pré-op, l'opération elle-même, et la suite. Je pense que je suis parée.
Son père la regarda, puis la serra tendrement dans ses bras. L'effluve de son parfum chatouilla doucement les narines de Lisa et la nostalgie la prit. Que n'aurait-elle pas donné pour redevenir une enfant à cet instant.
Elle ferma sa porte d'appartement et ils prirent l'ascenseur en silence. Une fois dans la voiture, il mit la radio doucement et Lisa posa son front contre la vitre fraiche. Le printemps arrivait doucement, mais il se faisait prier. Son père reprit alors la parole :
- Ta mère t'embrasse. Elle passera te voir ce soir après la fermeture de la boutique.
Ses parents avaient toujours tenu un magasin de livres anciens. Et malgré l'heure de la retraite qui approchait, ils ne comptaient pas, pour le moment, passer à autre chose. Et de plus, depuis près d'un an, cela leur permettait de noyer leur douleur et leur inquiétude dans leur occupation préférée : chiner, trouver, lire, et partager tous les livres pouvant exister.
Lisa se souvenait de tant de moments passés dans cette boutique, à découvrir des trésors. Parfois, surtout maintenant, elle avait envie de revenir à ces instants d'insouciance.
La vue de l'immense bâtisse qui se profilait, la sortie de ses pensées. Le trajet avait été court : l'avantage de vivre dans une grande ville. Habituée maintenant, elle alla faire son entrée aux admissions, avant de se diriger vers l'ascenseur où l'attendait son père. Ils montèrent et se dirigèrent ensemble dans le service d'oncologie. Celui-ci était divisé en deux : le côté médecine, hôpital de jour, où elle venait régulièrement pour ses chimiothérapies, et le côté chirurgie d'hospitalisation.
Elle se dirigea pour la seconde fois vers ce dernier. L'infirmière de la salle de soins vint vers elle : c'était Tara, que Lisa ne connaissait que depuis sa dernière opération, mais qui était gentille comme tout.
- Lisa, je savais que tu n'allais pas tarder ! Viens, je t'accompagne dans ta chambre, c'est la 402.
Lisa sourit doucement, tentant un brin d'humour :
- Parfait, je ne la connais pas encore celle-là.
Puis elle suivit Tara, répondant aux petits signes de bienvenue qu'on lui adressait ici et là. Au début, connaitre tout le monde, médecins compris, l'avait gênée, mais finalement, eux aussi constituaient sa force. Toutes les petites attentions dont elle bénéficiait lui injectaient de nouvelles doses d'énergie. Et c'était un des meilleurs services d'oncologie du pays, et ça aussi, c'était important.
Elle entra enfin dans une chambre digne d'un hôpital : froide, vétuste et vide, mais une chambre seule, comme elle l'avait demandé. Son père déposa toutes ses affaires sur le lit tandis que Tara reprenait la parole :
- Le Dr ALMONT va venir te voir. Mais je voulais te prévenir qu'il a eu un petit souci de santé inattendu, du coup il va être en arrêt quelques semaines.
Lisa accusa le coup sans rien dire et, une fois Tara sortie, son père se tourna vers elle :
- Mais qui va t'opérer alors ?
Une petite montée d'angoisse l'étreignit :
- Je n'en sais rien, c'est lui qui me suit depuis le début. Mais bon, on verra bien.
Elle ressentit le besoin d'être seule quelques minutes et se tourna alors à son père :
- Cela ne t'embête pas d'aller demander à l'accueil pour me mettre la télé ?
Son père sortit et elle se posta à la fenêtre. La vue n'était pas si mal et cela la consola : elle voyait le joli jardin des malades du CHU. Elle entreprit alors de ranger ses affaires et de s'installer. Ce fut rapide car elle savait qu'elle n'allait porter que des chemises hospitalières pour les jours à venir.
Elle rangeait son lecteur MP3 et sa tablette dans la table de nuit quand on toqua à la porte. Le professeur ALMONT entra, de façon plutôt maladroite, une béquille dans chaque main et un dossier dans la bouche, ainsi qu'une attelle qui lui prenait du haut de la cuisse jusqu'à la cheville.
Lisa eut envie de pouffer, mais se retint.
- Il fallait me le dire si vous ne vouliez pas m'opérer à nouveau.
Il eut une petite moue gênée et désigna le fauteuil.
- Vous permettez Lisa ?
Elle hocha la tête et s'installa elle-même sur son lit.
- J'ai malheureusement fait une très mauvaise chute dans les escaliers. J'ai réussi à repousser ma propre opération à la semaine prochaine, le temps de voir et prévenir tous mes patients. Mais je n'ai vraiment pas le choix, je vais devoir, pendant quelques temps, passer le relai.
Il prit son temps pour feuilleter les derniers éléments du dossier de Lisa : prise de sang, mammographie, scanner, IRM, puis il la regarda.
- Je vais vous confier au meilleur Lisa. C'est le Dr Naël LAVERNE qui va vous opérer, reprendre vos protocoles de chimiothérapie et gérer la suite des évènements.
A ces mots, un vent de panique balaya Lisa et c'est d'une voix hachée qu'elle lui répondit :
- Le Dr LAVERNE ? Mais je le connais à peine ! J'avais une telle confiance en vous !
A son corps défendant, Lisa sentit les larmes pointer. En plus de l'angoisse, c'est surtout qu'elle se souvenait de sa seule et unique rencontre avec ce médecin et de son caractère orageux.
- Lisa, je sais que vous le connaissez peu, mais mettez ça de côté. Il connait parfaitement votre dossier et c'est un des meilleurs, pour ne pas dire le meilleur. Et je le dis en tant que médecin, professeur, chef de service et en tant qu'homme. C'est un homme très réservé, mais surtout très consciencieux. Ne le jugez pas trop vite, il n'aime pas quand cela ne va pas comme il le souhaiterait, c'est tout.
Lisa eut un petit rire incontrôlable mêlé d'angoisse :
- Oui mais dans la vie on ne peut pas tout contrôler.
Et elle se sentait la preuve vivante de cette doctrine.
Mais il était vrai aussi qu'elle avait une totale confiance dans le professeur, elle avait donc tendance à l'écouter. C'est surtout qu'elle n'avait tout simplement pas envie, voir même, pas le courage, d'affronter ça, encore, en plus de tout le reste. Il la regarda :
- Je ne vous lâche pas Lisa et on gagnera, je vous le promets.
Elle avait tant envie de le croire. Aussi elle répondit tout en souriant :
- Prenez soin de vous Professeur ALMONT et revenez-moi vite.
Il sourit, se leva tant bien que mal, s'approcha de Lisa et posa une main paternelle sur la sienne.
- C'est un homme extraordinaire, croyez-moi, et à nous trois, on y arrivera.
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L'amour du dernier espoir
RomancePour Lisa, que la vie malmène depuis plus d'un an à lutter contre un cancer du sein, cette récidive est dure à encaisser. Elle sait qu'elle va devoir subir le traitement de la dernière chance mais elle se sent fatiguée de tout cela. Mais ce qu'elle...