Dès le lendemain matin, si Lisa avait eu l'impression que la veille le Dr LAVERNE était presque gentil, elle aurait dû se douter que cela ne durerait pas. Dès son entrée dans la chambre, et au vu de son visage sombre, elle s'attendit au pire.
- Alors, vos résultats sont moyens, surtout en ce qui concerne les globules rouges. Je veux que vous ayez une transfusion avant l'opération.
Son ton sec et très limite hérissa tout de suite le poil de Lisa.
- Vous voulez qu'on me transfuse, mais m'avez-vous demandé mon avis ?
Le regard que darda sur elle le médecin était si brillant qu'elle en resta bouche bée.
- Pas de transfusion, pas d'opération Mlle TORRINI, est-ce bien clair? À vous de choisir si vous voulez vivre ou mourir.
Lisa crut s'étouffer de colère.
- Comment pouvez-vous être aussi ignoble ? Je n'y suis pour rien si ces foutus globules rouges font des siennes ! Je ne l'ai pas fait exprès pour vous embêter. Et puis, vous ne savez absolument rien de moi !
Il s'approcha dangereusement de Lisa, qui sentit à nouveau comme la veille au soir la chaleur de son corps se mélanger à la sienne tellement il était proche. Et comme la veille, malgré sa colère, son corps répondit à cette proximité contre son gré : elle n'était pas rouge que de colère.
- Si, je sais bien des choses de vous et, entre autre, votre caractère bien trempé d'après le professeur. Je connais votre dossier par cœur et je ne compte pas vous perdre Lisa. Vous aurez cette transfusion !
Le fait qu'il l'appelle par son prénom la bouleversa finalement plus que ce qu'elle aurait pensé et aimé car cela créait une certaine intimité. Se souvenait-il qu'elle n'était autre que la "gourde" ?
Le temps de penser à tout ça, il était déjà à la porte et il se retourna avant de sortir.
- Je suis content de voir que cette saloperie de maladie n'a en rien émoussé votre caractère.
Et, à la grande surprise de Lisa, l'ombre d'un sourire traversa son visage, fugace, mais bien réel, et cela le changeait totalement.
Bien sûr qu'elle accepterait cette transfusion, ce ne serait que la deuxième depuis le début de cet enfer. Mais sa façon d'imposer les choses l'avait irritée au plus haut point. Et en même temps, elle repensait à ce qu'avait dit le professeur : se pouvait-il qu'il y ait un homme sous cette carapace bien épaisse ?
∞
Naël sortit pensif de la chambre. Il pensait être agacé, car il avait peu l'habitude qu'on lui tienne tête. Mais en fait, il avait été touché, et se posait bien des questions sur cette femme. Encore dans ses pensées, il reprit sa visite.
∞
Le soir fut vite là et Lisa regardait le sang couler, goutte après goutte dans sa veine, d'un œil absent. Elle qui avait posé tant de transfusions, cela lui faisait toujours aussi bizarre d'être de l'autre côté de la barrière. L'infirmière de jour l'avait surveillé les premiers temps de la transfusion, mais elle attendait maintenant que la poche se finisse.
Elle soupira et remis en place son foulard qui glissait de son cuir chevelu. Foulard qu'elle n'enlevait jamais, sauf pour dormir, et qu'elle remettait dès son réveil, comme on revêt une armure de combat. Elle aurait pu acheter une perruque, on lui en avait proposé des très jolies, mais elle avait l'impression de se mentir à elle-même et préférait choisir ses foulards, et leurs couleurs, en fonction de son humeur du jour.
Elle entendit alors qu'on frappait doucement à sa porte et elle vit sa mère entrer.
- Maman ! Comme je suis contente de te voir.
Sa mère s'approcha doucement, de sa démarche chaloupée que lui enviait tant Lisa. Ses cheveux mi- longs, qui commençaient à se strier de gris, encadraient son visage doux. Elle embrassa sa fille unique tendrement.
- Alors ces foutues globules rouges font des siennes ?
Lisa sourit pauvrement.
- Oui et ce n'est que le début.
Sa mère caressa doucement la joue de Lisa. Elle la regarda, avec sa maigreur inhabituelle, et pourtant, elle trouvait que sa fille restait toujours belle. Ses foulards, loin de la désavantager, lui donnaient une certaine grâce. Lisa en avait maintenant une petite collection et rien qu'au foulard, sa mère savait dans quel état d'esprit était sa fille. Elle trouvait que celle-ci vivait tant de choses difficiles, voir inacceptables, qu'une énorme colère contre la terre entière enflait en elle depuis près d'un an. Mais, consciente que cela n'aidait pas Lisa, elle sortit de son sac son petit cadeau du jour. Lisa, heureuse, s'en empara et l'ouvrit :
- Oh, un nouveau foulard ! Bleu turquoise, comme les mers du sud, j'adore !
Sa mère, ravie, alla mettre le papier cadeau dans l'unique poubelle de la chambre.
- Je savais qu'il te plairait !
Lisa rayonnait, le moindre petit bonheur de la vie la remplissait de joie. Tandis qu'elle enlevait son foulard pour mettre le nouveau, on toqua à la porte et le Dr LAVERNE entra sans attendre de réponse. La première réaction de Lisa fut d'être déçue qu'il la voit ainsi, tête nue. Puis, elle se morigéna directement, quelle idiote elle était ! Comment pouvait-elle penser à ça ? Il attendit qu'elle remette en place son nouveau foulard pour prendre la parole.
- Comment se passe la transfusion ?
Lisa regarda discrètement l'heure sur la pendule : 19h et il était encore là. Cet homme ne devait avoir aucune vie de famille.
- Plutôt bien dirons-nous. Aucun effet secondaire à priori.
Il eut l'air content et nota quelque chose sur son dossier.
- Très bien, prise de sang de contrôle demain matin et on en rediscute.
Son humeur, visiblement moins sombre, lui conférait presque une aura de sympathie. Il s'éclipsa et la mère de Lisa se tourna vers elle :
- Waouh, tu n'as pas perdu au change !
Lisa éclata de rire, le franc parler de sa mère était souvent un moment de détente.
- On voit que tu ne le connais pas !
Sa mère s'installa sur le lit à côté de sa fille.
- Non c'est vrai, mais quel physique, tu ne trouves pas ?
Lisa prit le temps de réfléchir. Bien sûr que si, il était beau, bien plus que ça même : ses cheveux bruns, denses et épais, ainsi que ses yeux d'un vert peu commun, complétaient un charisme rare. C'est d'ailleurs pour ça, qu'elle en avait laissé tomber tous ses dossiers la première fois qu'elle s'était retrouvée face à lui, s'attendant à tout, sauf à ça. Mais son fichu caractère balayait tout.
- Je t'assure maman, la beautéphysique ne fait vraiment pas tout !
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L'amour du dernier espoir
RomancePour Lisa, que la vie malmène depuis plus d'un an à lutter contre un cancer du sein, cette récidive est dure à encaisser. Elle sait qu'elle va devoir subir le traitement de la dernière chance mais elle se sent fatiguée de tout cela. Mais ce qu'elle...