Le lendemain matin, Lisa avait plutôt bien dormi, et elle était contente car ce n'était pas gagné. En effet, elle avait aussi beaucoup pensé avant que le marchand de sable ne vienne la visiter. Elle ne savait plus trop quoi penser de son médecin, et en même temps, cela lui donnait matière à réfléchir et rien que ça, ça lui faisait du bien. Elle évitait ainsi de penser à ce crabe qui la dévorait lentement de l'intérieur.
Il était tôt quand il fit son entrée : elle était la première de sa visite. Il s'installa sur la chaise tout à côté d'elle, ouvrit son dossier et attaqua :
- Bon, Mlle TORRINI.
Elle soupira doucement :
- Lisa. S'il vous plait.
Il la détailla longuement, semblant hésiter, puis reprit :
- Lisa, je pense qu'on va pouvoir aller au bloc demain ou après-demain. Vous sentez-vous prête ?
Du tac au tac, celle-ci répondit :
- Le seriez-vous ? Non, je ne me sens pas prête, mais je ne le serai sans doute jamais et je sais qu'il faut y aller.
Elle le regarda, une question lui brulant les lèvres. Elle savait qu'elle allait devoir la lui poser : c'est lui qui allait l'opérer. Elle passa doucement sa langue sur les lèvres et se jeta à l'eau car il lui fallait la confirmation de vive voix.
- Vous allez m'enlever le sein en entier n'est-ce pas ?
Voilà, le morceau était craché, mais le fait de s'entendre le demander à voix haute, Lisa sentit les larmes pointer et elle espérait plus que tout, ne pas pleurer devant lui.
Contre toute attente, sa main masculine, vint se poser sur celles de Lisa, qui étaient croisées sur son torse, comme si elle voulait déjà protéger cette poitrine si fragile.
- Oui. Oui Lisa, je vais tout retirer. C'est LA condition pour avoir un espoir de guérison que je pense réel.
La chaleur de sa main se transmettait à celles de Lisa et cela ne l'aidait pas à retenir ses larmes. Et surtout, contre toute attente, ce geste lui faisait un bien si énorme qu'elle n'aurait même pas imaginé que c'était possible. Elle aurait voulu qu'il reste là, sa main sur les siennes, longtemps. Tout à coup, elle prit conscience de ses pensées et fut interloquée par ses propres ressenties.
Revenant au moment présent, elle hocha la tête.
- Il faut juste que je m'habitue encore à cette idée. J'ai tellement l'impression de perdre une partie de moi.
Elle sentit alors une larme rouler sur sa joue, contre son gré. Et comme s'il lisait en elle, et surtout avait compris son besoin d'isolement, il se leva et sortit doucement, laissant à Lisa le soin de lui laisser libérer toutes ses larmes contenues.
∞
Une fois dehors, Naël, regarda le dossier devant ses yeux sans vraiment le voir. Il avait suivi et partagé ce dossier avec le professeur depuis près d'un an. Il connaissait cette femme par ce que lui en avait décrit le professeur : courageuse, entêtée, un caractère en acier trempé et une excellente infirmière. Et il l'entendait encore d'ailleurs dire chaque jour par ses collègues bouleversés par ce qui arrivait à Lisa. Mais il ne s'attendait pas à ça.
C'était son travail, son lot quotidien et il avait déjà eu des patients jeunes. Mais là, cette femme avait quelque chose d'inexplicable. Elle, avec sa forte personnalité, l'avait touché, ébranlé, alors que cela ne lui arrivait jamais. Il savait qu'il était un ours, mais il préférait ça, plutôt que souffrir. Orphelin, ayant vécu de foyer en foyer sans une once d'amour, il s'était fabriqué la plus grosse carapace possible pour survivre et s'était juré que cela ne changerait jamais. Et une femme, en quelques rencontres, avait réussi à ébranler cette certitude. Il jeta un nouveau regard vers la porte, pensif, puis continua sa visite.
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L'amour du dernier espoir
Roman d'amourPour Lisa, que la vie malmène depuis plus d'un an à lutter contre un cancer du sein, cette récidive est dure à encaisser. Elle sait qu'elle va devoir subir le traitement de la dernière chance mais elle se sent fatiguée de tout cela. Mais ce qu'elle...