Chapitre 8

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Je ne sais pas si ce soir, il me reviendra. Je commence à être en manque de lui.
Je me dégoûte d'avoir ces pensées, je ne les accepte pas. Puis, je me convaincs que je me raccroche à ce que je peux , pour ne pas sombrer dans la folie.

Quatre mois que je suis coupée du monde.
Combien de mois encore?
Je devrais arrête de compter les jours, je me fais du mal, à vouloir garder un repère temporel. Je sombre de plus en plus, j'ai des pensées négatives... Quand il me sanctionne de son absence, ma vie n'a plus de sens, je me sens dépérir.

Deux jours qu'il ne vient plus, je lâche toutes les larmes de mon corps, sous une douche brûlante. J'ai besoin de me reconnecter à la vie.
Je sors après de longues minutes à vider ma frustration. Je ne prends plus la peine de m'habiller, je reste enroulée dans la serviette et m'allonge face au mur.
Je me suis assoupie en position fœtale. Je sens des caresses sur mes cheveux, il est revenu. Je souris et me retourne vers lui. Je me colle à lui, j'ai besoin de sentir sa présence réconfortante.On s'endort l'un en face de l'autre, j'entends sa respiration devenir régulière.

J'occupe le reste de mes journées comme je peux. J'ai trouvé des livres de recettes, je commence à plutôt bien me débrouiller.  J'apprécie de transformer des produits bruts, en un plat qui réveille les papilles. Je n'avais jamais cuisiné dans mon ancienne vie. Je réchauffais des plats cuisinés. Mais enfermée, j'ai du temps dans la journée, cuisiner et lire sont mon échappatoire.  J'attends patiemment que la journée se termine, je l'aurai près de moi. Sa présence suffit à ôter mes angoisses et mes idées noires.
Depuis quelques jours, il vient me voir cuisiner. Il se pose contre le mur du fond, et m'observe faire des merveilles avec mes mains en silence.

Hier, il a accepté de goûter, une première. Je ne sais pas s'il a aimé, mais c'est un petit pas de franchi.
Quand il me rejoint dans le lit, j'aimerais retracer les traits de son visage. J'ai peur de le braquer de nouveau.  Avec lui, j'ai l'impression de marcher sur des œufs .
Je décide de tenter le coup, il me fait face, je me relève et soulève de ma main son masque. Il  la retient fermement, sa prise est forte.

— S'il te plaît...

Il libère ma main, j'en profite pour la faufiler sous le masque, je sens son coeur s'accélérer.
Mais il ne bouge pas, il se laisse faire. Je touche ses yeux, il les a fermés sous le toucher de mes doigts. Je touche sa bouche, je retrace les courbes de ses pommettes. J'ai l'impression que mes mains redessinent son visage. J'enlève mes mains et pose ma tête sur son torse. Il ne part pas, il reste, c'est une grande avancée.

Plus les jours passent, plus je m'attache à lui. J'ai peur de la chute, car il y en a toujours une. J'ai peur qu'il me laisse, qu'il se désintéresse de moi. Mes pensées sont incohérentes.

J'entends ses pas, je suis en train de cuisiner. Il reste toujours à m'observer sur le mur du fond, il analyse chacun de mes gestes. J'entends ses pas se rapprocher de moi, il ne l'a jamais fait jusqu'à présent. Il s'approche et se tient juste derrière moi. Je sens sa présence, elle me perturbe. Habituellement, il ne s'approche jamais aussi près.
Il ne bouge pas, je perds mes moyens. Je fais tomber la louche. Il se baisse, la ramasse et me la tend. Je ne réagis pas, je suis figée, je ne comprends pas bien ce qui se passe. Il ne franchit jamais la limite. J'ai fini par la récupérer, il est reparti à sa place habituelle. Je reprends mon souffle. Il goute à mon plat, mais il ne dit rien. J'ai appris à accepter son silence.

On avance vers l'escalier, j'enroule sa main dans la mienne. Il s'arrête, il ne fait plus un pas. C'est trop tôt, je l'ai brusqué, j'ai relâché sa main aussi vite que je le lui ai prise. Il ne me suit plus, je me retourne, il est figé. Je comprends qu'il a besoin de temps, je monte seule dans ma chambre. J'entends la porte de l'entrée claquer et je me sens vide.

Il me repousse dès que je tente d'avoir plus, je ne pleure plus. J'ai appris à accepter son rejet. Je me prépare à rester seule les jours suivants.

Je suis restée cinq jours seule, à passer le temps avec ce que j'ai, c'est-à-dire pas grand-chose. J'ai quasiment fini tous les livres, je suis anxieuse à l'idée de ne plus rien avoir à lire.
Je suis devenue un vrai cordon bleu, je fais tout moi-même. Je m'imagine à ses côtés, faire ce que les couples normaux font.  Comme aller au cinéma, au restaurant, s'embrasser et ça me rend heureuse.
Et puis la réalité reprend ses droits, je suis seule, il n'y a jamais eu de nous.

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