Chapitre 33

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Il reste quelques jours avant l'exécution, j'ai voulu renoncer à y participer, mais je lui ai promis que j'y serais en sachant tout ce qu'il a fait. J'ai reçu un bon de participation, comme si tuer un être humain était une loterie. Il a commis des horreurs, j'ai encore les images dans ma tête. Parfois, je me réveille, en sueur tremblante, après avoir rêvé qu'il m'ôtait la vie et je réalise que je suis dans ma chambre.

Il a tué, on le condamne à la mort. Il y a eu assez de morts dans ce dossier, pour en rajouter un autre. Je ne serais jamais d'accord avec ce système judiciaire. Je ne suis pas totalement étonnée que notre état continue de l'utiliser, le gouverneur Kremp s'est battu pour le maintenir. Son intérêt primait sur les droits de l'homme.
Ce n'est plus mon père, c'est un monstre. Je n'y participe que pour le père qu'il  a été jusqu'à mes sept ans. Mettre un terme à sa vie est lui rendre service.

L'avocat de ma mère m'a appris que les Kremp seront présents. J'ai peur de la confrontation, je ne l'ai plus revu depuis cette rencontre dans la maison de l'horreur. Je redoute de le revoir, de ne pas réussir à l'ignorer. Mon coeur espère, mais ma raison est catégorique.

Je pense souvent à lui, à l'homme qu'il aurait été s'il n'avait pas croisé la route de mon père. Il aurait dû être l'homme de ma vie. Et quelques fois, je me dis que s'il n'avait pas connu ce drame, je ne l'aurais jamais rencontré. Mes pensées quand il s'agit d'Hayden sont contradictoires.

Aujourd'hui c'est le jour de l'exécution, je n'ai presque pas fermé l'œil de la nuit. Je n'arrive presque plus à me déplacer. Entre la fin de grossesse, et ma jambe dans cette attelle, je peux à peine me déplacer. Ann m'accompagne jusqu'à l'entrée de la prison.
Je ne sais plus si c'est une bonne idée, je doute de pouvoir supporter ce moment.
Je suis conduite dans une salle en attendant l'exécution. Il y a beaucoup de familles de victimes, qui pleurent leurs morts. Et moi je vais pleurer le monstre qui leur a enlevé, je ne me trouve pas à ma place.
Les kremp ne sont pas là, ils doivent bénéficier d'un privilège.

Le temps ne semble pas passer, je suis oppressée par toutes ces larmes. J'ai l'impression d'être coupable de ce que mon père a fait. J'ai envie de sortir et de fuir.
Un gardien vient nous chercher, c'est enfin l'heure.

Nous avançons jusqu'à la salle d'exécution, il sera exécuté par injection létale.
Nous entrons dans une salle avec une grande vitre, j'ai l'impression de faire du voyeurisme macabre. Les gens s'installent, je m'assois au milieu, deux places à côté sont réservées. Les dernières familles de victimes entrent, en levant mes yeux,  je vois Hayden et son père, le regard grave. Son père vient voir ce pourquoi il s'est battu toutes ces années. Hayden en me voyant baisse son regard. J'ai un pincement au cœur. Après tout, c'est moi qui voulais qu'il me laisse en paix, mais je ne peux m'empêcher d'avoir mal.

Il s'assoit à côté de moi, son bras frôle le mien, et je frissonne. Il me fait toujours le même effet. Il ne me regarde pas, et mon coeur est en miette. Pourquoi je continue à me faire du mal.

Les gardiens ouvrent le rideau, ils font entrer mon père. Il me regarde et me sourit. Toutes les familles de victimes sont choquées qu'il affiche ce sourire. Il l'allonge sur le lit. Il lui fixe des sangles. Sa tête est tournée vers moi, mes larmes commencent à couler. Pour moi, il n'est pas ce monstre, il est mon papa.
Il demande à mon père s'il a quelque chose à dire. Il leur répond positivement. Ses yeux me fixent.

— Je te demande pardon princesse. J'aurais voulu être un meilleur père.

Les familles sont scandalisées, qu'il n'ait pas un mot d'excuse pour toutes ces vies qu'il a enlevées.
Le médecin commence l'injection, les premières minutes, ses yeux sont tournés vers moi, le produit n'agit pas encore. Puis il commence à convulser, ses convulsions sont de plus en plus fortes, il souffre. J'étouffe mes larmes. Autour, ils sont ravis du spectacle. Je sens la main de Hayden se poser sur ma cuisse. Je le regarde, il me fixe avec compassion. Pourtant, c'est le monstre qui a ôté la vie à sa mère. Il enroule sa main dans la mienne et tourne sa tête vers la vitre. Puis le silence, ses yeux sont restés ouverts, il ne bouge plus, il est parti. Le rideau se ferme.

Les familles se lèvent et quittent la pièce. Le gouverneur sort. Je reste la main enroulée dans celle d'Hayden, sans que l'un de nous parle. J'ai juste besoin qu'il soit là. Je finis par retirer ma main, me lève et quitte cette pièce funeste. Il me laisse m'éloigner. Puis, il se lève et quitte cette prison par un autre couloir.

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