Plusieurs semaines se sont écoulées, depuis cette nuit.
Je suis passée par plusieurs états émotionnels: le déni, l'acceptation, le syndrome dépressif. J'ai tenté de mettre fin à mes jours, en avalant des anxiolytiques et des somnifères. Ma colocataire m'a évité la pire erreur de mon existence, elle m'a sauvé la vie, je lui en serai éternellement reconnaissante. Les médecins m'ont dit que j'ai eu beaucoup de chance, je suis passée à peu de la mort.Aujourd'hui, je vais mieux, je retrouve peu à peu un sens à ma vie. Ma maison d'édition m'a contactée, une émission souhaite m'interviewer. J'ai mis quelques jours pour leur donner ma réponse, je n'étais pas sûre de vouloir exposer mon identité.
Mon psychiatre estime que c'est un pas vers la guérison. J'ai fini par donner mon accord.En attendant, ma colocataire me tient compagnie, je crois que je lui ai fait une grosse frayeur. Elle m'a traîné faire les boutiques pour me changer les idées. Elle m'a forcé à changer mon apparence, elle pense que c'est une façon de tourner la page, une forme de renaissance. J'ai laissé carte blanche. Le coiffeur coupe mes longs cheveux, en un carré long, il apporte des nuances de couleur claire. C'est très joli. Elle m'a aidé à changer mon style vestimentaire, pas assez tendance à ses yeux. Je suis métamorphosée. Elle a raison, je me sens beaucoup mieux. J'ai l'impression d'apporter un nouveau souffle à ma vie.
Je ne suis pas totalement guérie, je repense encore à lui, mais j'ai moins mal de son absence.
Le jour de l'interview, je suis intenable, anxieuse à l'idée d'évoquer cette histoire. La journaliste en off me rassure, elle ne me poussera pas à répondre à des questions trop personnelles.L'émission va commencer, elle me fait entrer sur le plateau. Maeva ma colocataire a décidé de ma tenue, je porte des bottes, un short en daim marron, un pull qui met en valeur mes épaules nues. Les maquilleuses ont fait des miracles. Les coiffeuses m'ont légèrement bouclé les cheveux. Je trouve ça magnifique.
J'entre sur le plateau...— April Newton bienvenue dans notre show.
— Bonjour...Je suis intimidée. Le public me scrute, je suis mal à l'aise.
— Vous avez écrit un livre sur votre enlèvement et séquestration qui a duré sept mois?
— Oui, j'ai écrit ces mémoires, convaincue que je ne survivrais pas. Je voulais laisser une trace de ce qui m'est arrivé.
— Comment étaient vos journées?
— Mes journées se ressemblaient toutes.
J'instaurais des rituels pour leur donner un sens.— Avez-vous subi des violences?
— Seulement les premiers jours.— Comment était votre tortionnaire?
— Énigmatique. J'avais du mal à le cerner.— Dans ce journal, vous évoquez le syndrome de Stockholm, pouvez-vous l'expliquer aux téléspectateurs?
— La victime, l'otage se prend d'affection, de sympathie et d'amour envers son agresseur.— Avez-vous développé des sentiments amoureux?
— Oui, c'est arrivé progressivement. J'attendais avec impatience son retour. Je développais une réelle souffrance en son absence.— Vous faites des études de psychologie, j'aimerais avoir votre avis sur l'éventuelle pathologie de votre agresseur.
— Au début, je pensais être tombée sur un détraqué sexuel, un psychopathe, mais vers la fin de ma séquestration, j'ai penché pour un Tdi ou un syndrome de la personnalité borderline.— Pouvez-vous expliquer ces deux pathologies?
— Le TdI: trouble dissociatif de l'identité. La personne est atteinte de plusieurs personnalités distinctes. Le syndrome borderline est une instabilité et hypersensibilité des relations interpersonnelles.— Comment étiez-vous après votre libération?
— Malheureusement, il me manquait, je le cherchais à chaque coin de rue. J'espérais qu'il me retrouve.— Dans votre livre, vous précisez que vous n'avez jamais vu son visage?
— Oui, il portait un masque dans les premiers temps, vers la fin, il me bandait les yeux.— Est-ce que c'était une frustration?
— Oui, chaque seconde.— Vous êtes une belle jeune femme, comment voyez-vous votre avenir?
— Je suis encore fragilisée par ce qui m'est arrivé. Je suis suivie . J'ai du chemin à faire.— Si vous avez un message à faire passer aux téléspectateurs ?
— C'est de profiter de chaque instant que la vie vous offre.— Merci April de nous avoir accordé de votre temps,on se retrouve après une courte pub.
L'émission s'est finie, je rentre chez moi exténuée par ce trop-plein d'émotions. Partager mon expérience m'aidera à avancer, j'en suis convaincue.
Je prends une douche pour me relaxer et je lance une tisane. Je feuillette mes mails, je reçois plein de propositions, alors que l'émission vient à peine de se finir.
Le téléphone sonne, inconnu.— Allo.
Il respire fort, je reconnais ce souffle, c'est Ethan.
— Tdi ou borderline?
Il rigole.— Tu me veux quoi? Tu m'as dit de t'oublier.
— Tu étais très belle ce soir.
Je ne réponds rien.— J'ai encore ton odeur sur mon coussin.
— Arrête Ethan.
— Pourquoi tu parles de moi ?
— Je parle de mon livre.
— Je repense à cette nuit.Il passe d'une pensée à l'autre, c'est perturbant.
— C'était une erreur.
— Ouvre !
— Quoi?
— Ouvre ta putain de porte! Mets un bandeau!

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Sold Up
RomansaApril menait une existence solitaire. Son père est en prison, sa mère une prostituée accros aux drogues. Etudiante en histoire, sa vie bascule le jour où un psychopathe croise son chemin. Darkromance. Contient des scènes à caractère sexuel et un la...