Rosie s'éveilla en sursaut le lendemain matin. Elle ne s'était même pas complètement déshabillée. Sa robe, si belle la veille, gisait en tas par terre et elle portait toujours son jupon. Les souvenirs des événements de la veille commencèrent à filtrer dans sa conscience, mais beaucoup restaient brumeux. En particulier sa conversation avec Valentin. Elle se souvenait de la colère de lady Ennis, mais pas exactement des paroles qui avaient été prononcées. Comment était-elle rentrée à Fitzwilliam Square ?
Ah oui, Valentin avait appelé une calèche.
Elle se rallongea. Il n'y avait pas un bruit dans la maison, ni dans la rue dehors. Elle devait réfléchir. La première chose à faire était d'enfiler ses anciens vêtements et d'emballer les quelques affaires qu'elle avait emportées. Le reste - toutes les robes et les bijoux que lady Marianne lui avait offerts - demeurerait là. Ils ne lui appartenaient pas. Rien de tout cela n'avait été à elle. Une fois de plus, on lui avait fait une promesse de bonheur pour la lui arracher à la dernière minute.
Elle s'autorisa à s'apitoyer sur son sort quelques instants. Lady Marianne s'était montrée bien cruelle en l'impliquant dans une telle comédie. Savait-elle dès le début que lady Ennis, Valentin et Victoria assisteraient au bal ? Non, ce n'était pas possible - le triomphe suprême de lady Marianne consistait à lui trouver un mari. Néanmoins, il fallait bien trouver quelqu'un contre qui diriger sa colère. Rosie savait pourtant que la personne qui lui inspirait le plus de colère n'était autre qu'elle-même.
Elle commençait à s'assoupir quand on frappa à la porte.
- Mademoiselle ? Appela Céline.
- Allez-vous-en.
- Mais, mademoiselle, on vous demande en bas
- Non, dites-leur que je ne me sens pas bien.
- D'accord.
Rosie se leva d'un bond. Elle n'avait pas la force de faire face à qui que ce soit. Elle emprunterait l'escalier de service et sortirait par le jardin à l'arrière de la maison. Vite, elle enfila ses vieux vêtements et jeta ses affaires dans un sac. Elle préférait ne pas penser au logement de Bridie à Foley Court, mais c'était bel et bien sa seule solution. Une fois prête, elle alla ouvrir la porte de sa chambre sur la pointe des pieds et tomba nez à nez avec Victoria.
- Rosie ?
Rosie tenta de l'écarter de son chemin.
- Il faut que j'y aille avant que quelqu'un me voie. Dit-elle en l'ignorant.
- S'il te plaît, Rosie. La supplia Victoria en l'attrapant par le bras. S'il te plaît, parle-moi. Ensuite, si tu veux t'enfuir, je t'aiderai. Mais s'il te plaît, parle-moi avant.
Victoria semblait sincère. Après tout, quel mal y avait-il à lui parler maintenant ? Cela ne changerait rien. Rosie haussa les épaules et fit demi-tour. Elle laissa tomber son sac par terre et s'assit sur son lit. Victoria ferma la porte sans bruit et tourna le verrou. Elle prit une chaise et s'installa en face de son amie.
- Rosie, je suis vraiment désolée...
- Tu n'as aucune raison de t'excuser. L'interrompit Rosie. Ce n'est pas toi qui m'as ridiculisée. Je l'ai fait toute seule.
- Non, c'était tante Marianne et maman et...
- Oui, et Valentin.
- Oui, c'était nous tous, je suppose. Soupira Victoria. Mais ce n'était pas prévu, Rosie, vraiment pas. Maman et moi n'avions aucune idée de tout cela, nous ne savions pas que tu serais au bal. Quand tu dansais avec Valentin, nous ne t'avons même pas reconnue. Nous pensions que tu étais une de ses amies de Dublin. Une très belle amie, d'ailleurs.
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Les Filles d'Ennismore
RomanceIrlande, début du XXe siècle. À huit ans, Rosie croise le chemin de Victoria, la jeune héritière du domaine d'Ennismore. Celle-ci s'ennuie et voit en la fille d'un métayer, l'amie dont elle rêve tant. Au grand dam de sa mère, elle arrive à convaincr...