Premières rencontres

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« Le phénix, est un oiseau qui comment dire...Etait cher au fondateur de l'école. Tu connais la légende du phénix ? expliqua ma mère. Cet oiseau, quand il sent sa mort venir, se construit un nid, se consume, et de ses cendres naît un nouvel oisillon. Le fondateur, je ne me rappelle plus de son nom, avait subi plusieurs aléas dans sa vie, était plutôt désespéré, et le fait de construire une école, a donné un nouveau souffle à son existence. C'est bien sûr aussi une représentation symbolique de la Résurrection de Notre Seigneur Jésus-Christ...

- Oui, il y en a sur les colonnes à Fourvière. C'est bizarre, quand même pour un établissement scolaire...Je ne vais pas devoir m'immoler par le feu à la fin de l'année pour donner naissance à une nouvelle Alexandra ?

- Non, pas du tout. C'est symbolique, avant tout. Il faut que tu donnes ton nom à la dame. »

Je levai les yeux vers une jeune femme aux cheveux bruns coupés en carré qui tenait dans ses mains une multitude de feuilles de papier. Des listes d'élèves :

« Alexandra Arvor de Mont-Frémont. En sixième, marmonnai-je.

- Pardon ?

- Alexandra Arvor de Mont-....

- ...Bien sûr. Je vous ai, Alexandra. Vous êtes en sixième cinq. Dortoir Sainte Thérèse, normalement. Mais de toute façon vous connaissez le chemin, Mme Brusseil.

- Oui, bien sûr, mademoiselle.

- Bonne rentrée. »

Maman m'indiqua le chemin des dortoirs, les longs bâtiments en pierre de pays qui longeaient le côté gauche de la grosse allée qui semblait faire office de cour de récréation.

Mon père biologique avait disparu quand j'avais quatre ans, et maman s'était remariée quelques années plus tard avec un officier de l'armée de terre dont elle avait pris le nom de famille. J'avais voulu conserver celui de mon véritable père, même si le second époux de ma mère n'était pas méchant. Il n'était juste pas mon père. Mais j'étais la première de la fratrie à entrer au collège Sainte Catherine de Sienne, et je ne pensais pas que cette subtilité de mon patronyme avait pu être connue par une simple surveillante :

« Comment la dame sait-elle pour Pierre ?

- Oh, je l'avais eu au téléphone pour ton inscription. Elle a eu bonne mémoire. Grande qualité pour une surveillante. »

Je me demandais comment j'allais expliquer à mes camarades que ma mère n'avait plus le même nom de famille que moi. Cela n'arriverait pas, enfin je voyais mal quelqu'un m'accoster pour savoir le nom de famille de ma mère.

Le dortoir Sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus et de la Sainte Face était au premier étage d'un des longs bâtiments sur le côté gauche de la cour de récréation, plus longue que large, et accueillait les filles des sixièmes quatre, cinq et six. Au moins, si Solange n'était pas en sixième cinq, je pouvais espérer qu'elle soit dans ces classes pour pouvoir la retrouver le soir.

Maman m'abandonna en bas de l'escalier pour allaiter Jacques en paix dans la salle au rez-de-chaussée, qui servait vraisemblablement de réfectoire, et j'entrai seule avec mes bagages dans une salle envahie de cabines de douches aux parois en plastique vert vif et de lavabos en faïence blanche montés en série. Je ne savais pas que les corons n'étaient pas le seul exemple de construction en chaîne.

J'arrivai devant une longue salle recouverte de vieux parquet. De part et d'autre de ce couloir s'organisaient des sortes de carrés de lits superposés en bois recouvert de peinture vert pomme, autour desquels gravitaient plusieurs jeunes filles en uniforme qui vidaient leurs valises.

De mes cendres je renais -- Tome IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant