« L'exactitude est la politesse des rois, Arthur. Heureusement que tu ne seras que vicomte, parce que sinon, tu serais un véritable malotru, souffla Constance les sourcils froncés. De quand date ton dernier rasage ?
- Je ne sais plus...Je suis désolé, Constance, mais maman a insisté pour que je vienne avec eux dans la voiture, elle m'a clairement fait comprendre que si je ne le faisais pas, elle allait être fâchée. Et tu connais ta tante...
- Tu es majeur, que je sache ?
- Majeur, mais dépendant financièrement de mes parents. »
Arthur de Mont-Frémont enfonça ses lunettes à monture d'écaille sur son nez, et suivit vers les bâtiments du lycée sa cousine, une jolie brune au visage rond et sympathique dont les yeux habituellement bleu ciel avaient viré au gris nuageux sous le coup de la contrariété. Il reconnaissait avec émoi les lieux qui l'avaient vu grandir pendant sept ans. Et pour la première fois depuis sept ans, il ne portait plus l'uniforme brun des élèves de l'Institution Saint Thomas d'Aquin, mais un complet bleu marine sur mesure acheté pendant les vacances d'été pour faire sa rentrée à Sciences Po dans quelques semaines. Constance le laissa tomber pour aller discuter avec une de ses amies dans le couloir. Isabelle ou Ingrid, il ne s'en souvenait plus.
Quand il avait annoncé pendant les vacances à Constance et Serge, le frère cadet de celle-ci, ses deux cousins préférés, qu'il comptait faire leur rentrée aux Institutions avec eux, par simple nostalgie de son adolescence insouciante, ils avaient sauté de joie, et avaient planifié toute une opération pour leur permettre d'arriver dans les premiers là-haut : lever à cinq heures, petit-déjeuner au Chevalier Savoisien, un restaurant de Saint-Georges qui faisait des réductions pour les lycéens, pour prendre le bus de six heures devant l'église et arriver un peu avant sept heures devant le portail blanc des Institutions. Il avait prévenu ses parents, qui avaient accepté même si sa mère avait d'abord espéré qu'il prenne le volant de la voiture familiale.
Le jeune homme avait au départ poliment refusé, mais le projet de Constance et Serge lui était complètement sorti de la tête la veille au soir, et il avait donc oublié de programmer son réveil plus tôt que ses frères et ses parents.
Ce qui l'avait sorti de son lit était donc le pas lourd de son frère cadet Jean en train de se brosser les dents en caleçon tout en déambulant dans la chambre d'hôtel qu'ils partageaient, à sept heures quarante-cinq, horaire du départ du dernier bus pour Saint-Thomas.
Or, Constance, malgré son relatif sang-froid, développait tout un complexe de sentiment d'abandon et de haine envers quiconque oubliait les rendez-vous qu'elle posait. Donc, il avait préféré rejeter la faute sur sa mère qui de toute façon serait trop occupée à réprimander Jean sur sa conduite pour que Constance puisse adresser la parole aujourd'hui à sa tante Anne-Claire. Pas très honnête, mais un moyen efficace de dissiper le courroux de sa cousine.
« Eh ! Administration publique ! »
Le jeune homme se retourna et reconnut son ancien professeur d'économie, M. Barbe, son visage ironiquement glabre et ses costumes clairs et trop amples. Il remarqua aussi que ses cousins l'avaient laissé seul au milieu de la cour du lycée :
« Alors, ça boume, à Sciences Pipeau ?
- Je ne suis pas encore rentré, monsieur, répondit Arthur.
- Ah ! Vous n'oublierez pas de me raconter. Vous connaissez l'adresse pour le courrier, de toute façon.
- Bien sûr, acquiesça-t-il en se disant qu'il ferait mieux de faire exprès d'oublier.
- Bon, et la petite Organisation Non Gouvernementale, elle en est où ?
- Elle est repartie à Rome. Elle a réussi à intégrer l'ESCO.
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De mes cendres je renais -- Tome I
ÜbernatürlichesJusqu'à quel point connaissez-vous vraiment votre famille ? Un uniforme laid, une cantine qui sert des plats inommables, des camarades de classe un peu bizarres, un nom à rallonge... A part les paysages à couper le souffle, Alexandra devait bien adm...