Règles de vie

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Je poussai un petit cri de douleur quand la mère de famille qui passait devant moi enfonça son talon sur le dessus de mon pied. Elle ne s'en rendit pas compte et poursuivit son chemin à travers la foule. Constance fendait la foule devant nous comme un brise-glace dans l'Océan glacial Arctique pour tenter de nous trouver une place dans les premiers rangs. Pour une raison qui m'échappait, elle tenait absolument à écouter le discours du directeur.

« Tante Clotilde ! » S'exclama Solange.

Ma mère venait d'arriver derrière nous, Jacques dans les bras. Elle fit la bise à mes cousines, avant de nous intimer de nous rapprocher de l'estrade sur laquelle le proviseur délivrerait son discours. Elle y tenait autant que Constance :

« Ta marraine est là, Alex. Tu pourras lui dire bonjour après le discours. »

Je hochai la tête, et me levai sur la pointe des pieds pour tenter d'apercevoir sur l'estrade le directeur. Un homme aux cheveux gris et en complet gris venait d'y arriver, et relisait quelques feuilles pendant qu'un autre monsieur barbu effectuait les réglages du micro.

Solange grimaça quand le micro émit quelques grésillements suraigus bien désagréables, et enfin nous entendîmes une voix claire sortir d'une des enceintes derrière nous :

« Chers élèves, chers parents, chers professeurs...»

Le brouhaha ambiant qui persistait encore dans la foule se calmait petit à petit. L'homme en gris poursuivit de sa voix monocorde qui trahissait le fait qu'il n'avait pas écrit le moindre mot du discours qu'il lisait :

«...Je suis heureux de vous retrouver pour la vingtième année, au même endroit, mais devant des têtes différentes. Pour ceux qui ne me connaîtraient pas, je suis M. de Xaintreilles, le proviseur des Institutions Sainte Catherine de Sienne et Saint Thomas d'Aquin, qui accueillent filles et garçons de la sixième juqu'aux classes post-bac, dont je suis personnellement responsable... Ah bon...Avant de passer la parole aux autres membres de l'équipe éducative, j'aimerais rappeler quelques règles essentielles pour assurer un cadre de vie serein à tous dans notre retraite. Eh bien, pour commencer, il faut appliquer toutes les règles qui sont écrites dans les carnets de liaison qui vous seront remis cet après-midi par les professeurs principaux. Ensuite, il est interdit aux collégiens de sortir dans ce qu'on appelle le domaine, qui s'étend derrière les bâtiments des dortoirs sans autorisation des adultes. Les lycéens et les étudiants, vous avez toujours le droit, mais restez propres. Nous avons eu des problèmes avec les cadres du parc de la Vanoise parce qu'il y avait de nombreux déchets qui traînaient un peu partout. Le bâtiment Nord est interdit à ceux qui n'ont pas de cours dispensés à l'intérieur, certains cours d'instrument, il me semble. Il y aussi des logements à côté, les personnels qui y habitent ont tout sauf besoin de se faire déranger par des adolescents turbulents. Oui, je confirme, c'est bien écrit... Je rappelle aussi que l'assiduité aux cours est obligatoire, et que les élèves doivent respect aux professeurs, même s'ils ont des différends....»

- A coup sûr il parle de Stanislas et Alexis, soupira Constance. J'ai écrit le discours pendant les vacances en m'inspirant des années précédentes, et Mme Carvigean a dû rajouter cela pendant sa relecture. Il ne parlait pas ça l'année dernière.

Solange pouffa. Les jumeaux avaient un an de plus que nous, et étaient nos cousins les plus proches en âge. Ils connaissaient des tonnes de blagues hilarantes, et surtout avaient développé un goût prononcé pour la farce et le canular. Solange passaient ses vacances à boire le récit de leurs exploits, comme la fois où ils avaient saupoudré de poivre les pages du manuel de leur professeur de mathématiques, ou celle où ils avaient caché un pigeon dans le tiroir du bureau d'une surveillante.

De mes cendres je renais -- Tome IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant