Venez, divin Messie...

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Arthur prit place dans la nef latérale de la chapelle, près de certains parents d'élèves qui le saluèrent avec amabilité. Il était un Mont-Frémont, après tout, il demeurait célèbre. A la seconde où il s'assit, le chant d'entrée, un "Il est né le Divin Enfant" lancé une octave trop haut résonna dans la chapelle.

Il grimaça. Vittoria chantait divinement mieux, à l'époque où elle régnait sur l'animation des chants de messe. Pas comme l'amie de Constance qui avait pris sa relève et qui massacrait ainsi un des plus célèbres chants de Noël. Valérie, peut-être ? Il repéra parmi les servants d'autel Paul, Brieuc, et les jumeaux. Ces derniers s'étaient à peine installés sur leurs chaises dans le chœur qu'ils s'amusaient déjà à jouer avec la cire de leur cierge avec un garçon à la tignasse noire qui lui rappelait beaucoup la tête du directeur adjoint. 

L'ordinaire passa assez vite, et il fut surpris de remarquer que l'orgue avait repris du service. Constance lui en avait peut-être parlé dans une de ses lettres, mais s'il fallait qu'il se souvienne du contenu de chacune des trop nombreuses lettres que sa cousine lui envoyait, alors qu'il avait déjà oublié l'horaire de son train de retour, il n'était pas sorti d'affaire. Il repéra parmi la masse amarante et terre de Sienne des uniformes des élèves des Institutions la chevelure rousse et flamboyante de sa cousine Alexandra, à côté d'une grande blonde baraquée et à l'air renfrogné.

Aline, cachée auparavant par un pilier, se leva vers le pupitre pour lire la lecture, avant de se faire doubler, voire même bousculer par Constance. Elle voulut protester, mais la brune était déjà postée devant le micro. Il était inutile d'intensifier le scandale à cette messe de Noël devant les directeurs, les professeurs, et les parents d'élèves. Arthur sentit son coeur se pincer quand il vit visage le visage de la jeune blonde crispé par la rage.

Il se retint de se boucher les oreilles pendant le psaume. Viviane. C'était le prénom de l'amie de Constance qui animait les chants. Il s'en souvenait, maintenant.

Pendant l'homélie, il se tordit pour tenter d'apercevoir un bout du dos d'Aline. Il ne comprenait vraiment pas ce qui en avait pris à Constance. Aline avait dû être choquée, voire peinée de son attitude. Il espérait qu'elle ne soit pas pressée par un éventuel train à prendre juste après la messe pour aller en vacances, après tout, il avait accepté de jouer les porteurs de mauvaises nouvelles pour ses parents surtout dans l'idée d'échanger quelques mots avec la jeune fille.

Avançait-elle dans sa préparation du concours de Sciences Po depuis leur dernier échange téléphonique ? Ou alors avait-elle laissé tomber, découragée par l'opinion générale des élèves des Institutions, qui voyaient d'un mauvais œil le fait que les lycéens partent faire leurs études à l'extérieur, encore pire dans un institut d'études politiques ? L'avait-elle oublié ? Pas possible, il était le seul à être aussi tête en l'air.

La mère de famille à côté de lui se racla la gorge. En effet, il n'arrêtait pas de bouger sur sa chaise depuis trois minutes pour tenter d'apercevoir derrière ce fichu pilier l'objet de ses attentions. Assez inconvenant pour une homélie. Encore un micro-scandale. Mais depuis sa rupture estivale, il était rôdé à l'opinion qu'on se faisait de lui au sein de la petite société qui gravitait autour des Institutions.

Lors de la prière universelle, Constance s'avança depuis le premier rang où elle étaut assise, feuille en main, sourire aux lèvres, mais fut rattrapée par Aline qui en deux bonds avait enjambé les marches du chœur, et commençait à lire les mots griffonnés à la hâte sur sa feuille de messe. Constance, resta figée trois secondes, la bouche bée, avant de regagner sa place au premier rang, les traits crispés d'une rage pure sur sa face.

Arthur songea que cela ressemblait parfaitement au type de dispute que pouvaient avoir ses frères, avant de se dire que c'était bien fait pour Constance. Mais il n'empêche qu'Aline avait attiré l'attention sur elle, et inutilement. Il ignora le sourire éclatant qu'elle lui lança depuis le pupitre. S'il avait été à sa place, il aurait attendu la fin de la messe pour s'expliquer, calmement, ou pas, avec Constance.

De mes cendres je renais -- Tome IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant