...et les barres sur les t

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« Mon Dieu, que cette chose est laide. » murmura Arthur en passant devant la tour Montparnasse qui surplombait la ville de ses deux-cents mètres trop haut.

Sa mère avait même signé une pétition pour empêcher la construction de la tour il y a quelques années. Elle avait même tenté de demandé à un Illusioniste de charmer sa fenêtre pour qu'on ne distingue pas le gratte-ciel dans le paysage visible depuis l'appartement des Mont-Frémont de Verseille.

Son père avait modéré ses ardeurs, et lui avait conseillé de dépenser son argent pour des choses plus utiles, comme le renouvellement des chemises d'uniforme de Paul, qui avait pris dix bons centimètres pendant l'année. Depuis, Anne-Claire de Mont-Frémont dînait dos à la fenêtre de sa salle-à-manger.

Arthur arriva devant l'immeuble de la rue Maublanc, et sonna au quatrième étage. Il ne put s'empêcher de sourire quand il reconnut l'accent désespérement pas savoisien de celle qu'il allait rejoindre :

« C'est moi, Aline ! s'exclama-t-il dès que l'interphone se mit à grésiller.

– Tu es en retard.

– Connais-tu le quart d'heure de politesse ?

– C'est une heure de politessse, là ! s'esclaffa la jeune femme à l'autre bout de l'interphone.

– On avait bien rendez-vous à quinze heures ?

– J'ai noté quatorze heures quinze, Arthur. Entre, il fait froid. »

Le jeune homme grimpa les escaliers en tentant de se souvenir du moment où ils avaient fixé le rendez-vous...Il avait confondu l'horaire indiqué avec celui d'un autre rendez-vous. Mais lequel ? Aline lui ouvrit, la mine radieuse et les mains tachées d'encre.

Il se trouva bien rigide avec sa chemise sur mesure et sa veste et pantalon de costume. Il se bénit lui-même de n'avoir pas songé à mettre la cravate, il serait passé pour quelqu'un d'affreusement ringard. Aline avait opté pour des vêtements bien plus décontractés, un jean pattes d'éléphant qui aurait fait hurler Anne-Claire de Mont-Frémont et un chandail orange vif au crochet.

Ils se regardèrent de longues secondes dans le blanc des yeux, indécis de la marche à suivre. Arthur avait oublié si elle avait bien reçu la lettre qu'il lui avait adressée à propos de Constance. Aline se racla la gorge et l'invita à s'asseoir autour de la table en plastique blanc aux formes futuristes. Elle retira la pile de magazines "Rock and Folk" qui traînait pour qu'il puisse sortir ses affaires :

« Je ne lis pas ces magazines, précisa-t-elle. C'est ma tante, elle a des visions...pas tout à fait dans le même sens que celles de mes parents. En ce moment, elle est partie s'occuper de son mouvement de lutte contre les promoteurs immobiliers qui veulent construire des immeubles près des marais salants de Guérande. Mais elle n'est pas méchante. Elle peut être un peu pénible quand elle met du Bob Dylan ou du John Lennon à plein volume dans l'appartement...

– Je vois. J'ai un frère qui brûle des bâtons d'encens devant des posters du Che et de Mao Zedong. »

Aline haussa les sourcils, incrédule.

« Jean fait vraiment ça ?

– Il a toujours été le rebelle de la famille. La volonté de ne rien faire comme les autres est inscrite dans ses gènes. Il est gaucher dans une famille de droitiers, scientifique dans une famille de littéraires ou d'économistes, brun dans une famille de blonds...C'est Jean. Il pense ce qu'il veut, mais je pense qu'il fait cela plus par volonté de contradiction avec ses parents que par réelle conviction politique.

De mes cendres je renais -- Tome IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant