Des cousins tout à fait normaux

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Le départ précipité d'Alexandra avait surpris Constance. Bien qu'elle comprenne que les remarques de Jean aient pu peiner sa jeune cousine, elle ne pensait pas que celle-ci serait blessée au point de quitter la table sur un coup de tête. Alexandra, contrairement à Solange, était d'habitude plus posée, plus réfléchie et bien moins impulsive.

« Je vais voir Alexandra. » déclara Solange, après avoir fini son assiette.

Les trémolos dans la voix de la petite rousse n'avaient pas échappé non plus à sa cousine la plus proche en âge. Malgré leurs caractères diamétralement opposés, Constance trouvait leur amitié plutôt touchante. Elle attendit que la blondinette quitte le réfectoire pour souffler à Jean la voix pleine de reproches :

« Je veux bien comprendre que tu aies une dent contre les Maisonneuve, mais tu n'avais pas te montrer si sec !

– Oh, ça va ! Tu pourrais me remercier, avec tout ce que je leur ai dit, elle ne risque pas de s'acoquiner avec la fille des Maisonneuve !

– Eh bien moi je pense que tu te fourres le doigt dans l'œil, Jean ! Alexandra va se braquer, et va faire tout le contraire ! Et grâce à qui ?

– Alexandra, faire preuve de caractère ? Tu plaisantes ?

– Elle n'a pas du tout apprécié que tu critiques sa mère, lâcha Stanislas, à l'autre bout de la table.

– Comment tu sais ça le morveux ? »

Stanislas, le jumeau que Constance estimait le moins agité, montra du doigt sa tempe. Jean fronça les sourcils, mais la jeune terminale prit les devants :

« Stan, qu'est-ce qu'on a dit sur ton Don ? Tu dois vraiment faire un effort pour te retenir.

– Elle ne s'en est pas rendu compte !

– C'est une question de principe ! On ne fouille pas dans l'esprit des gens sans leur permission ! »

Si les jumeaux lui causaient déjà bien du souci avant de rentrer aux Institutions, une dose supplémentaire de soucis s'étaient implantés dans l'esprit de Constance depuis que ses deux diablotins de frères avaient été déclenchés, et avaient découvert leur Don. Télépathes. Assez courant pour des jumeaux, mais Constance avait bien du mal à canaliser la curiosité dévorante de ses frères, qui se mettaient à lire les pensées de tous ceux qu'ils croisaient. Ces incursions clandestines dans l'esprit des gens étaient relativement tolérées dans les petites classes, mais s'ils ne prenaient pas l'habitude de bloquer leur Don, les jumeaux risquaient de se prendre des sanctions bien plus graves une fois au lycée. Depuis la Seconde Guerre mondiale, on ne rigolait plus avec l'usage abusif du Don.

« Qui devait remplir le pot d'eau ? Demanda Paul

– Sol... Et bien sûr elle est partie.

– J'y vais. » répondit le dernier des enfants de l'oncle Georges et de la tante Anne-Claire.

Il prit la cruche en porcelaine qui était juste en face de Serge et alla la remplir au robinet qui se trouvait au fond de la salle. Si seulement ses frères pouvaient être aussi serviables que lui, songea Constance. Il n'aurait rien coûté à Serge de se lever pour y aller à la place de Paul, mais celui-ci avait tout le temps trop de travail pour pouvoir rendre service, même si il se déclarait plein de bonne volonté.

« Ça fait bizarre qu'Arthur ne soit plus là, lâcha-t-il en laissant tomber sa fiche de révisions.

– Et ça te manque ? S'étonna Jean. Il est bien mieux à Paris, avec les pédants de son espèce.

– Il était cultivé. Enfin, il l'est toujours, et toujours bien plus que son frère cadet, persifla Serge.

– Oh, l'intello me lance une pique ! Je suis outré. Sérieusement, Serge, retourne dans ta physique et fiche-nous la paix ! »

De mes cendres je renais -- Tome IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant