« C'est dingue, ces infirmières ! râla Auguste. Jamais là quand il le faut ! »
Il venait de fouiller toutes les pièces de l'infirmerie, et à part deux quatrièmes qui avaient eu une insolation après le camp de l'aumônerie, il n'y avait pas âme qui vive dans le bâtiment. J'étais assise sur une des chaises de la salle d'attente, à côté de la grande silhouette. J'avais reconnu Philippe à ses cheveux blonds et sa grande taille.
« Si c'est de la belladone, on ne peut pas la laisser comme ça. En plus, vu sa petite taille, un petit nombre de baies peut-être fatal...c'est scientifique, déclara Emilie.
– Alexandra ne va pas mourir ? s'inquiéta Solange, d'un ton incrédule.
– Si les infirmières ne rappliquent pas tout de suite, je ne donne pas cher de la peau de ta cousine, répliqua Auguste. Pas possible d'avoir la meilleure moyenne en français et confondre la belladone avec la myrtille. »
Je réprimai un haut le cœur. Je me sentais complètement planer. J'inspirai plusieurs bouffées d'air et tentai d'articuler en ignorant la sécheresse de ma bouche :
« Je...je...n'ai pas mangé...
– Tu as vomi de la belladone, donc oui, tu en as mangé, Alexandra, rétorqua Auguste. Emilie, toi qui cours si vite, va chercher l'infirmière. Elle doit être en train de refaire le monde avec Mme Chastang au secrétariat. »
Je vis Emilie se redresser et l'entendis descendre les marches quatre à quatre. Elle semblait avoir pris trente centimètres. J'allais peut-être mourir. Moi qui pensais qu'il ne m'arriverait jamais rien d'intéressant dans ma vie, j'allais mourir à peine âgée de douze ans.
« Auguste, il faut qu'on trouve du sel. Ou de l'ipéca, déclara Philippe.
– Du sel ? Pourquoi tu as envie de chercher du sel ? On n'a pas mieux à faire, non ?
– Cherche le sel. Elle doit en avoir dans l'armoire à médicaments. Mais elle a sûrement de l'ipéca.
– Au réfectoire. Il y en a sûrement au réfectoire, dit Solange.
– Eh bien qu'est-ce que tu attends ? Cours ! » s'emporta Philippe.
Je sentis à nouveau soulevée et transportée dans une autre pièce plus petite. A la recherche d'un appui, ma main tomba sur une surface fraîche, en porcelaine sans doute. On me fit m'agenouiller devant le meuble en porcelaine.
« Ecoute, Alexandra, si tu te sens vomir, vomis. Solange ou Auguste vont trouver du sel. Si tu vois une lueur blanche, fuis-là. Tu es trop jeune pour mourir, n'est-ce pas ? »
Je m'efforçai de hocher la tête aux paroles de Philippe, qui fouillait l'étagère au-dessus du meuble en porcelaine, sans doute une cuvette de toilettes.
« Personne ne t'a appris à faire la différence entre la belladone et la myrtille ?
– Je n'ai pas...mangé...de...la belladone...»
J'en étais sûre. Aline m'avait montré pendant la randonnée un pied de la plante, en m'indiquant de surtout ne pas en manger. Peut-être la seule chose utile qu'elle m'avait dite. Je savais que je n'y avais pas touché.
« Tu es sûre ? Il n'y a pas de honte à s'être trompée. Mais j'ai du mal à voir comment ces baies auraient pu atterrir dans ton estomac, si tu n'as pas touché à la belladone. »
Je dodelinai de la tête. Je sentais le bout de mes doigts se figer. Si je n'avais pas confondu la belladone avec des myrtilles, avec quoi aurais-je pu la confondre ? Je n'avais pas mangé de cassis, de framboises, de mûres...
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De mes cendres je renais -- Tome I
ParanormalJusqu'à quel point connaissez-vous vraiment votre famille ? Un uniforme laid, une cantine qui sert des plats inommables, des camarades de classe un peu bizarres, un nom à rallonge... A part les paysages à couper le souffle, Alexandra devait bien adm...