Epilogue

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Ou pourquoi Arthur de Mont-Frémont a peur de l'eau



« Maman, je veux des mûres !

– Il n'y a pas de mûres ici, mon loulou. Est-ce que tu veux de la tarte au citron ? Elle est très bonne, non ? »

Joignant le geste à la parole, Anne-Claire fit mine de découper une part de tarte. Son aîné poussa un hurlement de mécontentement :

« JE VEUX DES MÛRES !

– Arthur, calme-toi tout de suite ! »

Clotilde arriva à la rescousse de sa belle-sœur, et s'accroupit auprès de son neveu :

« Eh, petit Arthur, il y a des mûres dans la cuisine, si tu veux. Elles viennent du pré aux Boutons d'or...

– Je te remercie de ton aide Clotilde, la coupa sèchement Anne-Claire, mais Arthur n'aura pas de mûres. Il se contentera des restes du déjeuner de baptême de Solange. Et je ne suis pas désespérée au point de passer tous les caprices de mon aîné, si tu vois ce que je veux dire. »

Clotilde blêmit. Elles se chamaillaient souvent sur l'éducation de leurs enfants. La seule manière que la première avait trouvé de calmer les crises de colère récurrentes de sa fille était de la garder dans ses bras sans interruption, ce que sa belle-sœur jugeait comme une marque de faiblesse devant son enfant. Mais Clotilde jugeait que l'éducation rigoriste dispensée par Anne-Claire risquait à coup sûr de brimer ses fils et de les faire mal tourner. Elles décidèrent mutuellement d'ignorer la remarque malheureuse de la mère d'Arthur. Si elles étaient d'accord sur un point, c'était que laisser apparaître leurs désaccords devant leur progéniture était néfaste pour la vision de la pédagogie aussi bien de l'une que de l'autre.

« D'ailleurs, où est Alexandra ? s'enquit Anne-Claire, étonnée de ne pas la voir dans les bras de sa mère.

– Constance la garde, et elle s'occupe aussi du fils de Hubert, le deuxième, Philippe, je crois. Etrangement, dès que les deux se sont retrouvés à côté, elle s'est calmée, et je profite de cet instant de grâce. Arthur, veux-tu bien vérifier si ta cousine dort toujours ? »

Le premier petit-fils de Gilles de Maisonneuve oublia un instant ses mûres pour retrouver son autre cousine, Constance, qui tricotait une écharpe pour sa poupée auprès des deux nourrissons assoupis sur une couverture étendue sur l'herbe.

« Il a quel âge, l'autre bébé ? demanda Arthur en désignant le petit Philippe du menton

– Six mois.

– Et Alexandra à peine trois. Elle fait la moitié de la taille de l'autre.

– Si elle fait la moitié de son âge, après tout, c'est logique. » rétorqua Constance.

Il hocha de la tête. Constance était pour lui la fille la plus intelligente qu'il connaisse, il ne remettait pas sa parole en question. Il s'assit près d'elle :

« On joue au papa et à la maman ?

– Très bien. Eh bien moi, je tricote une écharpe pour Luzita...

– Elle ne s'appelait pas Augustine, ta poupée ?

– J'ai décidé qu'elle s'appellerait Luzita. Luzita n'a pas d'écharpe pour l'hiver. Et on n'a pas assez de nourriture, comme tu es le père, tu dois aller en chercher.

– Pourquoi c'est moi qui doit y aller ?

– Parce que c'est comme ça. Dépêche-toi, ou nous allons mourir de faim par ta faute...»

De mes cendres je renais -- Tome IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant