Répulsion

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Lyon, le 7 janvier 1977

Ma chère Alexandra,

Comment vas-tu ? J'espère que tu vas bien, et que ce week-end passé à Sainte Catherine te sera profitable pour tes révisions. Ici, à Lyon, on pense très fort à toi, et on te garde ta portion de rats au chocolat pour dans deux semaines.

Matthieu s'est tenu debout ! Hier soir, pendant qu'il jouait avec ses cubes en bois, il s'est tenu à l'accoudoir d'un des fauteuils du salon, l'a lâché, et a réussi à rester dans cette position pendant trente bonnes secondes ! Heureusement que j'étais là, j'ai pu prendre une photo que je te montrerai quand je l'aurai fait développer. Quant à Jacques, il commence à articuler des syllabes qui n'ont pas trop de sens. Pierre est persuadé qu'il l'a appelé papa, mais j'attends toujours qu'il m'appelle Maman. Agnès passera son samedi après-midi chez son amie Zita, seulement si elle fait bien ses devoirs le matin.

J'attends avec impatience de tes nouvelles. Bien sûr, privilégie tes révisions à ta correspondance. J'ai tout le temps été classée dans les cinq premières lors des devoirs communs, j'espère que tu sauras faire honneur à ma réputation et à celle de la famille de Mont-Frémont.

As-tu pu te lier avec la jeune Elise de Maisonneuve ? Je sais bien que nous en parlons peu en famille, mais j'aimerais vraiment que vous réussissiez à bâtir une solide camaraderie entre vous deux.

Dans le colis tu trouveras les gants que tu as oublié à Lyon. Avec un pot de crème pour les mains, tu as dû attraper des engelures. Elle sent très bon, j'espère que tu apprécieras aussi le parfum.

Je te souhaite un bon courage dans tes révisions et pour les devoirs communs, salue bien tous tes cousins de ma part, et continue d'être sage.

Bisous,

Maman


«Edit de Caracalla ? s'exclama Emilie en me faisant sursauter.

– Tu m'as fait peur ! râlai-je. 212 après Jésus-Christ.

– C'est bien...»

Elle se replongea dans son classeur de physique, après cette pause historique, et tentait de retenir les noms des changements d'état de l'eau. Je restais le nez coincé dans mes révisions d'anglais. Même si j'arrivais à apprendre par cœur les textes que Mrs Almond nous faisait écrire, je ne comprenais pas un traître mot des compréhensions orales sur lesquelles nous serions évalués pour les devoirs communs.

Un quart d'heure plus tard, la surveillante, Mme d'Azenova, qu'on appelait "madame" simplement parce qu'elle était surveillante alors qu'il s'agissait d'une étudiante en classe de lettres supérieures, rangea ses affaires et demanda aux élèves de service de passer le balai et d'essuyer le tableau. Je rapprochai ma chaise de la table pour permettre à Emilie de passer pour prendre l'éponge et essuyer le tableau noir recouvert de déclinaisons latines que Philippe essayait d'apprendre.

Dans une semaine, ou bien dans cent soixante-quatre heures et trois minutes comme aimait le préciser Philomène qui rongeait son frein, nous aurions nos premiers devoirs communs. Maman m'avait contrainte à rester à Sainte Catherine les deux week-ends précédant les épreuves pour m'assurer des conditions de révisions optimales. J'avais bien révisé, mais j'en étais arrivée à un point où j'avais l'impression de mieux supporter Agnès se vantant d'avoir sauté une classe plutôt que les heures interminables passées dans une classe mal chauffée à tenter d'intégrer toutes les notions vues dans toutes les matières depuis le début de l'année.

De mes cendres je renais -- Tome IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant