Chapitre 19 - Noélie

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Mon cerveau ne cesse de fonctionner depuis que je sais que Nash a découvert la vérité à mon sujet. Je n'aurais jamais imaginé que ce moment arriverait avant mon départ et qu'en plus, ce ne soit pas moi qui le lui apprenne. J'aurais voulu garder cette information pour moi, j'appréhendais beaucoup trop la manière dont il réagirait. Et j'avais raison.

Aujourd'hui, il m'a ignoré à chaque instant. Quand j'allais dans une pièce, il l'a fuyait sans me lancer de regard, il ne s'est même pas amusé à m'attribuer une quelconque tâche. J'ai l'impression d'être revenu quelques jours plus tôt. Ses réactions me laissent perplexe et je sais d'avance que la suite de notre collaboration ne me plaira certainement pas.

Je me focalise sur mon travail pour tenter d'éloigner cette histoire de mon esprit. Je note les nouvelles inscriptions et prépare les factures pour ceux qui s'apprêtent à quitter le logis. Je m'y investis pour m'empêcher de penser au reste et ça marche plutôt bien. Enfin, jusqu'ici.

Steve débarque face à moi les yeux écarquillés dans un état de panique qui m'alerte directement. Faites qu'il va bien. Il reprend son souffle avec difficulté, je ne l'ai jamais vu dans cet état, augmentant grandement mon inquiétude.

— Qu'est-ce qui se passe? demandé-je en m'approchant de lui.

Je contourne le bureau pour lui laisser la place de s'asseoir. Son teint est livide et j'ai l'impression qu'il va perdre connaissance à tout moment. Je réitère ma question en secouant légèrement ses épaules pour attirer son attention et ça fonctionne.

— Nash s'est blessé.

Je grimace en comprenant enfin sa réaction. L'une des premières choses que j'ai apprises sur Steve à mon arrivée c'est qu'il a la phobie du sang. Il suffit d'une goutte pour le mettre dans tous ses états. À mon avis Nash n'est pas sur le point de mourir alors je conduis Steve dans la chambre des employés pour qu'il reprenne ses esprits calmement. Il s'allonge comme si son corps pesait trois tonnes, je pose un verre d'eau à côté de lui et un tissu mouillé sur son front.

Je le laisse se détendre tranquillement et fonce vers la cuisine pour prodiguer les soins nécessaires à mon patron. Les battements de mon cœur s'accélèrent, commençant à appréhender cet instant. Je cours dans les escaliers et évite de peu la chute à cause de cette foutue jambe. Je pénètre dans la pièce sans prendre la peine de frapper, il y a plus important que de faire attention à ce genre de banalité. Lorsque j'arrive, Nash lève quelque seconde ses yeux vers moi et j'y lis la pitié que j'espérais ne pas voir dans ses délicieuses pupilles. C'est sans doute dans la nature humaine finalement.

Je m'approche sans attendre le souffle court et examine instantanément sa blessure. Un soupir de soulagement m'échappe en m'apercevant que c'est simplement une petite entaille.

J'analyse les lieux et remarque quelques gouttes de sang sur le plan de travail ainsi que sur le sol. Il faudra que je m'occupe de tout nettoyer au mieux.

Je lui arrache la trousse de secours qu'il a récupérée sans me donner la peine de lui adresser la parole. Son regard en a déjà dit beaucoup trop selon moi.

— Tu devrais prendre une chaise.

Je serre les dents à cette remarque, il ne m'aurait pas proposé cela avant de connaître la vérité.

— Je n'en ai pas besoin. Répliqué-je sèchement.

Ma réponse ne lui plaît vraisemblablement pas et je regrette mes mots. Je ne sais pas comment gérer la situation et j'ai l'intuition que chaque terme qu'il prononcera actionnera une réaction négative de ma part.

Je récupère le matériel nécessaire et commence par désinfecter la plaie qui n'a pas l'air profonde. J'attrape ensuite le pansement et le pose délicatement par-dessus. Pendant tout cet instant, mon souffle est resté bloqué dans ma gorge. Toucher sa peau m'avait manqué plus que je ne l'imaginais, son épiderme est doux et j'éloigne les souvenirs douloureux qui me reviennent. Sa chaleur me brûle presque, mais je ne cherche pas à m'en écarter, je veux la ressentir encore. Je suis focalisé sur sa blessure alors que je sens son attention sur mon visage. J'ai l'impression qu'il essaie de m'analyser et de comprendre mon histoire, quant à moi, je tente de ne pas lui laisser la moindre chance. Le récit m'appartient. Il fait le moins de mouvement possible et je me demande si c'est parce qu'il a peur que je m'arrête si c'était le cas.

Un flocon incomplet.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant