Un flocon incomplet.

Chapitre 2 - Nash

    Mon couteau glisse sur la planche à merveille. Comme à chaque fois. Je prépare consciencieusement le déjeuner, m'assurant que tout soit parfait pour les clients. Maîtriser les repas est important pour moi, en contrôlant chaque aspect, chaque ingrédient, chaque étape, je garde le contrôle des événements, c'est tout ce qui compte. Je connais les mouvements à la perfection, malgré ça, je prends constamment du plaisir à cuisiner, comme si tout était nouveau alors que rien ne change réellement, aucune surprise, aucun accident et c'est pour ça que j'aime autant cet aspect de ma vie.

    Après les tomates, je m'occupe de préparer les œufs sous toutes leurs formes : brouillés, au plat, mollet, à la coque ou encore en omelette.

    Mon commis confectionne le pain perdu, alors que je finis petit à petit ce que j'avais à produire. Mes journées sont toujours identiques, mais elles n'en sont pas moins appréciables, je pourrais mijoter des plats toutes les secondes si ma mère ne me forçait pas à sortir un peu.

    En parlant d'elle, ses cheveux grisonnants font leur apparition dans la cuisine de son auberge où je travaille depuis presque deux ans.

— Mon petit monstre, tu as bientôt terminé ?

    Je lève les yeux au ciel face à ce surnom qui me colle à la peau, depuis la fois où je lui ai fait peur à Halloween déguisée en fantôme. Les parents n'oublient visiblement rien, pour notre plus grand malheur. Mon commis pouffe et je lui donne une tape sur la tête avec une spatule en plastique.

    Je dispose tous les œufs dans des assiettes, avec l'aide de Steve qui a terminé ce qu'il était en train de faire. Nous nous assurons de la bonne présentation du petit déjeuner pour les locataires actuels. Tout doit être parfait, on peut recevoir des commentaires négatifs pour le moindre détail sauf que, financièrement, on ne peut pas se le permettre.

— Tu es arrivé au bon moment. On vient de finir. Dis-je en enlevant mon tablier.

    Son sourire s'élargit, et elle nous aide à porter les assiettes pour tout transporter dans la salle de repas. Les guirlandes rouges sont suspendues sur chaque mur et un sapin est placé dans le coin de la pièce décorée par ma mère, qui était autrefois décoratrice d'intérieur. Les tables ont toutes des petites statues à l'effigie de la fête ainsi que de la porcelaine avec des gravures montrant le père Noël et ses rennes.

    Un buffet est installé à côté de l'arbre de Noël, et nous y disposons tout ce que nous avons préparé pour nous assurer du bonheur de chacun de nos clients. Il est seulement huit heures, mais deux consommatrices, qui sont sœurs, attendent déjà pour se nourrir. Leur gaieté lorsque nous arrivons me remplit de satisfaction, j'adore cuisiner en général, mais davantage quand je vois leur sourire.

    Manger rend heureux, et j'aime pouvoir le faire en mélangeant simplement des ingrédients de la meilleure manière possible. L'odeur des différents plats se propage dans la pièce s'entrechoquant entre elles : le bacon, les œufs, les pancakes, les omelettes ou encore les pâtisseries. C'est comme si les aliments se battaient pour devenir l'odeur dominante du repas. Tout ça annonce une bonne matinée pour ceux qui dégusteront ce déjeuner.

    Nous profitons du peu de personnes pour nous installer tous les trois à une table et nous délecter de nos préparations.

— Où est papa ?

    Mère savoure ses crêpes au sucre, la recette provient directement de la sienne, tandis que Steve mélange presque tous les aliments entre eux, faisant une sorte de déjeuner approximatif.

— Il est allé chercher du bois pour la cheminée.
— Je lui avais dit que je m'en occuperais, il vient de sortir de l'hôpital.

    Le cœur de mon père est de plus en plus fragile avec l'âge, mais ça ne l'angoisse aucunement. Alors que moi, j'essaie de tout faire pour l'aider, il est aussi têtu que moi et n'accepte jamais.