Ici - Tome 2

Chapitre 24

Tout mon corps était douloureux. Je déglutis péniblement et passai ma main sur ma gorge tuméfiée. Il faisait sombre, des particules de poussières dansaient entre les minces rayons de lumières qui perçaient à travers la carrosserie de la camionnette.

Je me retournai trop vite, et me heurtai à des barreaux d'acier. Mon premier réflexe fut de secouer la porte de la cage, mais c'était inutile. Un homme toussota à l'avant et l'odeur de la fumée de cigarette me chatouilla le nez.

J'avais été enlevée. Les visages de mes deux ravisseurs me revinrent à l'esprit et la peur m'envahit. Que me voulait-il ? Ça avait forcément un rapport avec notre meute, mais lequel ? Étaient-ils liés à Damian d'une façon ou un autre ? Ils n'étaient pourtant pas des loups-garous... Mon cerveau bouillonnait, et les larmes me brûlèrent les yeux.

Je me forçai à souffler lentement et me concentrai. Je pouvais sans doute ordonner au conducteur de faire demi-tour.

Je sondai mon esprit à la recherche de ma magie, et je la trouvai après plusieurs secondes de recherche, faible et diffuse, recroquevillée dans les méandres de mon âme. Habituellement, elle était toujours à l'affût, pressée de s'exprimer et de m'envahir. Paniquée, je tâchai de retrouver le lien de Reconnaissance mais ne repérai aucune trace de sa présence rassurante. Il avait disparu. J'insistai, mais ce n'était pas comme lorsque Robin quittait la vallée sans moi. Dans ces moments-là, le lien était flou, inutilisable, mais il était là. Or, il n'y en avait plus rien.

L'inquiétude me submergea. Où était-il ?

Je me jetai sur les barreaux et les secouais plus fort.

— Arrêtez-vous !

Ma voix se brisa, me rappelant ma gorge meurtrie. Ma magie était tellement faible que je ne pouvais espérer muter, ni entrer dans l'esprit de quiconque. Même mes capacités de Soigneuse m'avaient abandonnée, la douleur en était témoin.

Les hommes à l'avant ricanèrent, et l'un d'eux frappa la paroi métallique qui nous séparait de son poing.

— Ne t'en fait pas, on est bientôt arrivée ma jolie ! Et je te promets que quand on y sera, tu regretteras notre petit voyage !

— Et n'espère pas utiliser tes trucs de sorcière sur nous, ajouta le chauffeur. Ou il t'arrivera la même chose qu'à ton clébard.

Leurs rires gras me donnaient la nausée.

James. Ils s'en étaient pris à James.

— Que lui avez-vous fait ? hésitai-je.

— Les loups-garous ont tendance à oublier qu'ils ne sont pas immortels. Une balle en plein cœur, et c'est réglé.

Ils continuèrent à me parler, mais je ne les entendais plus.

Ils l'avaient tué.

James était mort.

De lourds sanglots me comprimèrent la gorge mais la douleur n'était rien comparée à celle de mon cœur. Je m'effondrai, je n'arrivai plus à avoir des pensées cohérentes. Je joignis les mains sur mon thorax en espérant diminuer ma peine, mais le trou béant au milieu de ma poitrine continua de s'agrandir. James était mort. J'avais de nouveau perdu un frère.

Je luttai pour reprendre ma respiration mais ne pouvais pas contrôler les plaintes lancinantes qui s'échappaient de ma gorge.

James. James. James. James.

La culpabilité m'assaillit à son tour. C'était à cause de moi. C'était moi qu'ils voulaient, mais c'est lui qu'ils ont tué. La bile envahit ma bouche, et je repérai l'épaisse matière noire et visqueuse qui m'habitait avant. Celle avec qui je cohabitais depuis le décès de mes frères était toujours là, à l'affut de la moindre faiblesse, de l'absence de Robin pour me sortir la tête de l'eau.