Chapitre 36

794 79 14
                                    

J'avais dormi tout le long du trajet, qui avait duré plus de vingt-quatre heures. Robin me sortait parfois du sommeil pour me faire boire, manger, et je resombrais aussitôt. Lorsque je me réveillai cette fois-ci, nous étions arrivés à destination.

Aston, enfin.

Instinctivement, mes épaules se détendirent un peu. J'étais de retour chez moi. Dans mon refuge, ma safe place, le lieu de mon rétablissement et de ma reconstruction. J'étais de retour à la maison.

Le bruit de la rivière qui s'écoulait lentement emplit mes oreilles. L'odeur de sous-bois, mêlée à celle de l'air frais du début de journée que je connaissais si bien n'avait pas d'égal.

Pendant tout le trajet, des flashs de ces dernières semaines m'étaient revenus en rêve : nos cellules humides, le visage de Rose, souriant et diabolique, mais surtout, les yeux du jeune homme mort devant moi. À cause de moi.

Je n'étais pas certaine que les autres saisiraient l'impact que cela avait eu, le traumatisme qui m'habitera à tout jamais : Robin aurait de la peine pour moi, et essayerait de comprendre. Il se battra toute sa vie pour me faire oublier, pour punir les responsables. Mais il n'avait jamais tué d'innocent.

Matt, qui avait vu la scène, lu la détresse de cet enfant dans ses yeux, comprendrait peut-être mieux. J'avais rencontré quelques fois son regard inquiet. Il craignait une potentielle rechute de mon état, mais ça n'arriverait pas.

J'avais en moi plus de haine que de désespoir, plus de colère que de résignation.

Le regard de Robin trouva le mien à travers la fenêtre, et il me sourit. Nous étions garés devant le cabinet d'Hélène, et il discutait au-dehors avec Samuel. Lorsque celui-ci remarqua que les yeux de l'alpha s'étaient détournés, il pivota, et fit les yeux ronds.

Je fis glisser la portière coulissante du van, et Samuel se dirigea vers moi à grands pas.

— Alex, qu'est-ce que tu m'as manqué !

Il me percuta durement et ses bras s'enroulèrent autour de mes épaules pour me serrer contre lui à m'en briser la colonne vertébrale. Robin lui fila un coup de pied dans le mollet et il desserra un peu son étreinte.

— Pardon, mais on était trop inquiets pour toi. Ça m'a rendu dingue de rester ici alors que tu avais besoin de nous.

Il ne m'avait toujours pas lâché, et je lui tapotai maladroitement le dos dans une accolade rassurante.

— Ça va, lui promis-je. Je suis là maintenant.

Il se recula, mais ne lâcha pas mes épaules et me balaya du regard.

— Tu as une sale tête. On dirait un de ces mannequins chelous qui défile sur les podiums.

— Toi aussi, tu as une sale tête.

C'était vrai. Samuel avait les traits tirés, des valises sous les yeux et sa nervosité me picotait l'arrière de la nuque. Notre absence l'avait éprouvé.

— Et les mannequins ne mesurent pas un mètre cinquante-cinq pour ton information.

Il rit, et me serra une dernière fois contre lui.

— C'est bon de te retrouver.

Du mouvement à l'entrée du bâtiment attira mon regard, et James en sortit. Il était tel que dans mes souvenirs. Pas tout à fait un adulte mais plus un adolescent, des mèches blondes qui retombaient sur ses yeux clairs, des fossettes qui creusaient ses pommettes lorsqu'il souriait, mais surtout : bien vivant.

Il traversa à grandes enjambées le parking, et de nouveau, je fus étouffée sous une montagne de muscles aussi durs que des parpaings.

— Je suis tellement désolé.

Ici - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant