Chapitre 18

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Le vacarme de ma mère qui préparait le petit déjeuner nous tira du lit. L'inconvénient de ma nouvelle nature de métamorphe, c'était que le moindre bruit perturbait mon sommeil.

Robin s'étira et bailla à s'en décrocher la mâchoire. Notre lien de Reconnaissance s'agita alors qu'il sondait mon esprit tout en enfilant son jean.

— Tu n'as pas assez dormi, tu es encore fatiguée.

— Oui, je sais. Et toi tu es en forme olympique, comme d'habitude.

Il me lança un regard espiègle et m'entoura de ses bras pour enfouir son visage dans mon cou.

— Tu es grognon aussi. Et j'adore quand tu l'es, s'amusa-t-il en m'embrassant la clavicule.

Je tentai de le repousser pour lui apprendre à se moquer de mon humeur matinale, mais il resserra son étreinte. J'abandonnai en soupirant, enivrée par son odeur boisée.

J'enviai vraiment certaines des capacités des loups-garous que je n'avais pas. Notamment celle d'avoir une réserve d'énergie largement supérieure à celle des humains. Robin commençait à ressentir de la fatigue après quarante-huit heures sans sommeil, alors que je flanchais en général dès la fin du dîner.

Je le laissai descendre aider mes parents à préparer le petit-déjeuner et allai dans la salle de bain. Mes vieux réflexes me revinrent plus vite que je ne le pensais : sortir une serviette du meuble sous la vasque, entrouvrir la fenêtre pour chasser la buée, augmenter la température du mitigeur, Axel prenait ses douches glacées. Mes doigts restèrent quelques instants sur le robinet. Il n'était plus là, et j'étais certainement la dernière personne à avoir pris une douche ici, car la température était telle que je l'aimais.

L'infâme ombre noire qui m'habitait tenta une approche, mais son assaut fut repoussé par les sentiments de Robin dans le lien de Reconnaissance. Cette fois-ci, il était à l'affut de la moindre rechute, et je le sentais hésiter à me rejoindre.

— Ça va aller, chuchotai-je en sachant pertinemment qu'il m'entendait.

J'actionnai le robinet et laissai ruisseler l'eau brûlante sur ma peau.

J'étais certaine que quelque chose nous échappait encore concernant l'histoire de Marie, mais j'ai incapable de comprendre de quoi il s'agissait. Comme lorsque l'on oublie un mot, ou un nom. On l'a sur le bout de la langue, on sait qu'il est enfoui quelque part au fond de notre mémoire, mais rien ne vient.

Cela dit, mes pouvoirs s'étaient développés à une vitesse folle ces derniers jours. Ma magie finirait bien par m'en apprendre plus.

Mais pour le moment, j'avais d'autres priorités.

J'enfilai mon jean et un t-shirt, me brossai rapidement les cheveux, et dévalai l'escalier dans un vacarme propre aux humains. Robin m'accueillit avec un sourire, amusé par la façon dont j'essayai de persuader mes parents que rien n'avait changé chez moi. Il était déjà attablé devant une assiette gargantuesque à moitié dévorée, alors que ma mère papillonnait autour de lui en lui en apportant toujours plus.

— Reprends quelques tranches de pain mon garçon, l'encouragea-t-elle en lui tendant la corbeille d'une main, et en posant l'autre sur son épaule.

Je la sentis tiquer quand elle remarqua la dureté des muscles de l'alpha à travers son t-shirt, et elle retira précipitamment son geste. C'était l'effet que faisaient les loups-garous sur les humains : parfois, leur subconscient leur criait qu'ils étaient face à des prédateurs qui pouvaient les tuer d'un seul mouvement. Son cœur accéléra brièvement, et Robin aussi repéra son trouble.

— Merci beaucoup Catherine, ces œufs sont délicieux, la rassura-t-il en plongeant sa main dans la corbeille.

Il la gratifia de son sourire le plus charmeur, et elle s'assit au côté de son mari, semblant avoir oublié ce qui s'était passé quelques secondes plus tôt. Heureusement, ma mère n'était pas du genre à faire confiance à son instinct.

J'attendais le bon moment pour leur parler du carton du grenier. En les regardant, je n'aurais jamais pu imaginer qu'ils connaissaient l'existence des sorcières, ou même des loups-garous. Mais mon père connaissait forcément ces carnets. L'alpha m'insuffla le courage qu'il me manquait, et je me raclai nerveusement la gorge.

— Papa, je cherchais quelque chose au grenier hier soir, et je suis tombé sur un vieux carton, avec des documents intéressants et...

— Prends-le.

Je m'arrêtai net, stupéfaite. Il continuait à beurrer sa tartine comme si de rien n'était.

— Papa, ce qu'il contient... insistai-je.

— De vieux écrits familiaux, je ne l'ai jamais ouvert.

— Mais pourquoi l'avoir gardé dans ce cas ?

Son regard se perdit dans le vide brièvement, et je frissonnai lorsque ses yeux croisèrent les miens.

— Pour toi.

Ici - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant