Chapitre 37

668 81 7
                                    

Conor frappa à la porte en fin d'après-midi. À peine Robin avait-il ouvert que Juliette déboula comme une fusée, traversa le salon et se jeta dans mes bras.

— Alors, c'était bien ton voyage ? me demanda-t-elle de sa petite voix fluette.

Nos regards d'adultes se croisèrent, gênés.

— Pas terrible, avouai-je. Tout le monde m'a beaucoup trop manqué.

— Toi aussi tu nous as manqué, soupira-t-elle en posant sa tête sur mon épaule.

Mon cœur se liquéfia : cette enfant était adorable. Je souris, et déposai un baiser sur son front. Puis, elle sauta de mes bras en remarquant son parrain à qui elle réserva le même traitement.

— Viens, lui proposa-t-il. Je vais nous servir un jus de pomme, et puis on ira dans le jardin, j'ai quelque chose pour toi, lui chuchota-t-il en l'embrassant sur la tempe.

Elle bondit en criant de joie en entraînant Robin derrière elle. Attendri, je les regardai partir, un petit sourire au coin des lèvres.

Conor était resté sur le palier, dansant d'un pied sur l'autre. J'avais proposé à Robin de lui parler pour prendre la température avec Lexi. L'alpha avait été trop heureux d'accepter, étant donné le malaise qu'il ressentait à l'idée d'aborder un sujet aussi épineux que les sentiments.

— Viens, je ne vais pas te manger, lui dis-je en l'invitant à s'assoir sur le canapé.

— Ni même me faire éclater la cervelle ?

— Si tu continues, ça risque fort d'arriver.

Il rit et s'affala en poussant un profond soupir.

Ses émotions étaient difficiles à décrypter, et son regard dans le vague ne m'en dit pas beaucoup plus. Beaucoup de stress, d'appréhension, mais aussi une volonté d'acier. Je m'assis en tailleur près de lui et plissai les yeux. Il se détourna du point qu'il fixait et convergea vers moi, suspicieux.

— Qu'est-ce que tu me veux, Petite ?

— Qu'est-ce qu'il y a ? lui demandai-je de but en blanc. Quelque chose te chiffonne à propos de Lexi, n'est-ce pas ?

Il se passa une main sur le visage puis cala ses coudes sur ses genoux.

— Votre truc là, la Reconnaissance. Ce n'est pas pour moi.

— Pourquoi ? Tu ne veux pas te poser, c'est ça ?

— Non, et pas pour les raisons auxquels tu penses, me dit-il en faisant allusion à ses conquêtes dont j'avais eu vent.

Je savais que Conor était plutôt quelqu'un de sérieux. Il avait connu la mère de Juliette jeune, et avait depuis des relations tout à fait sans lendemains et largement consentit pour les deux partis. Après tout, il était bel homme, avec sa haute stature et ses épaules imposantes. Il n'avait aucun mal à trouver des femmes avec qui partager une nuit ou deux.

— J'ai cru comprendre que la séparation avec la mère de Juliette avait été difficile, lui avouai-je, mais tu sais, ce sera...

— Je t'arrête tout de suite. Je n'ai pas peur de souffrir, ou de me faire du mal, ou je ne sais quoi encore que tu pourrais t'imaginer. C'est juste que... j'ai Juliette. Elle est tout pour moi. On a notre quotidien, tous les deux, et je me bats tous les jours pour qu'elle soit heureuse, malgré l'absence de sa mère qui se pointe deux fois l'année comme une fleur pour passer une journée avec elle. Je ne peux pas me permettre de laisser entrer quelqu'un dans nos existences alors que notre équilibre est si fragile.

Conor était un père extraordinaire. Tout le temps qu'il ne passait pas avec nous était pleinement dédié à sa fille. Jour et nuit, il s'assurait qu'elle ne manque de rien, et ne se plaignait jamais des difficultés que pouvaient rencontrer les parents célibataires. L'amour qu'il lui portait n'avait aucune limite, elle était toute sa vie.

Ici - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant