Ici - Tome 2

Chapitre 39

Mes pas claquaient sur les pavés de pierre. La lumière diffusée par les vitraux dansait sur le sol, créant des taches de couleurs rouges et bleues. Je repoussai mes cheveux blonds vers l'arrière, et sondai mes pouvoirs : tout était en place. Le lien de Reconnaissance était là, vif et rassurant, et ma magie coulait doucement dans mes veines, prête à intervenir s'il le fallait.

Alaric surgit d'une porte latérale et mêla ses doigts au mien. Sa chaleur m'enveloppa, et il me fit l'un de ses sourires qui faisaient ressortir ses fossettes, l'un de ceux qui avaient la faculté de m'apaiser et me sentir confiante. Il m'accompagna jusqu'à la grande porte sculptée dressée devant nous.

— Tu es prête ?

J'acquiesçai.

Bien sûr que je l'étais. Ça faisait des années. Depuis que la guerre contre les sitrams avait commencé. Depuis qu'Alaric m'était revenu sous sa forme de loup-garou. Il était plus de temps que tout cela se termine. Il y avait eu trop de victimes, trop de villages détruits, trop de femmes, d'hommes et d'enfant à qui on avait fauché la vie sans raison valable.

La porte s'ouvrit à notre arrivée, et nous pénétrâmes dans la pièce pleine à craquer. Les regards convergèrent vers nous, et je continuai ma route jusqu'à l'estrade, alors qu'une boule se formait dans mon estomac. Je connaissais une partie de ses visages : des sorcières qui s'étaient battues à mes côtés, d'autres avec qui j'avais grandi, ou que j'avais croisés lors de mon apprentissage, et tous les hommes à qui nous avions redonné vie, avec le don de lycanthropie en plus. Les têtes s'inclinèrent à notre passage, et je levai le menton. Je me laissai influencer par l'assurance et la fierté d'Alaric qui emplissaient mon âme.

Je montai sur la scène, et jetai un regard vers l'extrémité sur laquelle sept sièges en bois étaient installés. Alaric serra une dernière fois ma main, et s'assit sur l'un d'eux, rejoignant ses pairs. Je me retournai et balayai d'un œil bienveillant sur ceux qui m'entouraient.

— Messieurs, mes sœurs, je vous souhaite la bienvenue.

Des acclamations retentirent et je ne pus m'empêcher de sourire.

— Aujourd'hui est un grand jour. C'est la première fois que les loups-garous, représentés par les Sept, et les sorcières, se réunissent pour un Conseil. Merci à vous tous d'être venus.

Je marquai un temps d'arrêt, laissant la foule terminer ses applaudissements.

— J'aurais aimé que cette rencontre se fasse dans un autre contexte. Si nous sommes ici, c'est pour prendre des décisions. Et surtout, pour mettre fin à cette guerre. Vous n'êtes pas sans savoir que derrière les sitrams se cachent des sorcières qui ont choisi de faire scission avec notre communauté. Malheureusement, ce sont les humains qui en payent le prix, ce sont eux qui meurent sous les griffes et les crocs des sitrams.

Mon public acquiesça bruyamment. Un frisson parcourut la foule et je me préparai à entrer dans le vif du sujet.

— Et nous nous devons d'y mettre un terme, tranchai-je.

Je m'éveillai en sursaut. Robin était assis dans le lit, l'air grave, les sourcils froncés, le regard fixé sur la fenêtre de notre chambre. Seule la lumière de la lune éclairait son visage concentré, dessinant des ombres qui durcissaient ses traits.

Je chassai les dernières images de Marie de mon esprit, et me dressai à mon tour, le pouls battant.

— Qu'est-ce qu'il y a ? lui soufflai-je.

Il posa sa main sur ma cuisse pour apaiser ma panique, mais resta silencieux. C'est seulement après quelques secondes qu'il tourna ses iris sombres vers moi.