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Pour la dixième fois aujourd'hui, Joan toqua à la porte d'un des sujets tests, qui venait d'être infecté par la Braise, et annonça que c'était l'heure de manger. Elle glissa le plateau repas dans l'ouverture en bas de la porte.

- N'oubliez pas de nous rendre le plateau une fois que vous avez fini, notifia la jeune fille.

Tous les jours, elle prononçait ces mêmes mots, faisait ces même gestes. Joan soupira et s'éloigna, commençant à descendre dans l'ascenseur pour aller manger. Elle atterrit dans le réfectoire et piocha dans les bacs de nourritures, puis s'installa à une table. Quelques secondes après, Teresa accourait et s'assit à côté d'elle, avec son plateau.

- Ils arrivent, exposa son amie.

Joan lui lança un regard perplexe et avala sa fourchette, les sourcils froncés.

- Qui ça ?

Teresa l'observa, comme si elle n'osait pas dire la vérité, mais la jeune fille comprit de quoi, ou plutôt de qui, elle parlait.

- Quand ? Tout de suite ?
- Ils seront là cet après midi, maximum, répondit la brune.

Baissant la tête, son amie prit une grande respiration, en s'essuyant ses mains sur ses cuisses. Son ventre se noua, et aussitôt, elle pensa à Minho, encore. Cela faisait six mois que ces rêveries empiétaient sur son quotidien.

- Tu es au courant ? l'interrogea Teresa. Thomas et les autres ont essayé de le reprendre quand ils étaient dans le train pour venir ici.
- Non, je ne savais pas. J'imagine qu'ils ont échoué ?
- Ils ont prit un des wagons, avec Aris et Sonya dedans. On a eu une perte de vingt sujets.
- Vingt sujets ? répéta Joan.

Teresa rougit, et commença à couper sa viande pour éviter de croiser le regard de son amie.

- Désolée, je passe trop de temps avec madame Paige.

Son interlocutrice sourit, puis se tourna vers les autres employés. Tous discutaient et mangeaient joyeusement, comme si l'annonce de l'arrivée de nouveaux "sujets" -comme le disait Teresa- leur donnait de l'espoir. Contrairement à eux, Joan se sentait au bord du gouffre : elle ne pouvait plus fuir Minho, c'était elle qui, avec Teresa, surveillait les simulations et donnait les repas. Cela lui faisait terriblement peur, puisqu'elle savait que Minho la haïssait. Elle poussa un soupir, et son amie posa sa main sur la sienne.

- Hé, ça va aller. Si tu veux, je me débrouillerais pour que tu ne vois pas trop Minho. Ça te va ?

Un mélange complexe de sentiments envahit la jeune fille : déchirée entre l'envie de voir celui pour qui son cœur battait et la peur de voir la haine dans ses yeux, elle ne sut quoi répondre.

- Je ne sais pas, murmura Joan.

Teresa lui sourit, d'un air compatissant, mais la jeune fille ne savait pas quoi faire de cette empathie.

* * *

Joan passa tout l'après midi à s'occuper l'esprit, pour ne pas penser à son aimé, le cœur au bord des lèvres. Elle avait l'impression qu'elle allait mourir tant son rythme cardiaque était rapide. Alors, quand la porte s'ouvrît, avec des bruits de pas sonores, elle eut tellement peur, qu'elle était prête à prendre ses jambes à son cou. Le groupe passa devant elle, et un des gardes s'arrêta à sa hauteur, alors qu'elle cherchait du regard Minho.

- Vous pourriez nous ouvrir la porte ? sollicita celui ci, d'un air qui ne demandait aucune réplique.

Joan hocha la tête, à deux doigts de vomir de peur, attrapa ses clés qui étaient dans sa poche, avant de marcher pour rejoindre les chambres des sujets d'expérience. Face à la porte, ses mains lâchèrent à plusieurs reprises le porte clé, tremblante, retenant un bruyant sanglot. Après plusieurs tentatives, elle réussit à déverrouiller la serrure, s'écartant ensuite pour ouvrir encore les deux autres portes et pour les laisser passer.

Alors qu'elle s'était décalée pour dégager le passage, elle observa les sujets rentrer, voyant enfin Minho, habillé de ce tee shirt "propriété du WICKED". Mais il ne lui adressa même pas une once d'attention, ne la regardant pas, ne respirant pas près d'elle, comme si elle était un poison. Joan donna ensuite les clés aux gardes, s'éloignant, le pas tremblant, sa vue embuée par des flots de larmes qui s'annonçaient.

Elle s'enfuit alors dans les toilettes, verrouillant la porte des cabinets dans lesquels elle venait de rentrer derrière elle, et fondit en larmes. Son cœur lui faisait mal, paraissant être tiré par des cordes tenues par des forces invisibles. L'envie de mourir la submergea, et, comme devenue parasite, sans vie, la jeune fille sortit des toilettes, puis monta les étages.

Joan chercha alors un quelque chose, sans trop savoir quoi, mais un objet qui pourrait abréger ses souffrances. Elle trouva un long fil, et sans attendre, elle monta sur une chaise, serra le fil afin de former un nœud. Elle l'attacha à la lumière qui illuminait tout, sauf cette douleur qui l'étouffait. Elle passa sa tête dans le noeud qu'elle avait créé et jeta la chaise sur laquelle elle s'appuyait, avant de tomber par terre. La jeune fille sanglota, remarquant que le fil s'était cassé, comprenant que tout ce qu'elle faisait, elle le gâchait elle même. Un bruit de porte se fit entendre derrière elle, et Teresa la rejoint aussitôt.

- Mais qu'est ce que tu fais ? s'inquiéta t elle.
- Il me déteste, pleura la jeune fille bruyamment.

Son amie se glissa par terre, l'enlaça, et embrassa son front.

- Chut, tout va bien, lui chuchota t elle.
- La seule personne que j'aime me déteste, je vois pas comment ça pourrait aller bien.

Teresa soupira, la serrant encore plus contre elle.

- Promets moi que tu ne feras plus jamais ça, murmura cette dernière. Promets moi que tu resteras en vie.

Joan continua de pleurer longuement.

- Ne leur dis rien, à personne, supplia celle ci, une fois qu'elle fut calmée.
- D'accord. Je ne dirais rien.

Sans un mot, Teresa se releva, jeta tout ce qui aurait pu être un indice, et rangea le fauteuil.

- Regarde. Tout est rangé. Personne ne saura rien.

Avec un rire étouffé dans sa gorge, Joan se redressa aussi, et ferma le tiroir qu'elle avait auparavant ouvert.

- Teresa ? l'appela t elle.
- Oui ?
- Je te promets de ne plus rien faire si tu me le promets aussi. Restons toutes les deux en vie, jusqu'à être vieille et avoir pleins de petits enfants.

Son amie l'observa longtemps, avant de lui donner une expression tendre, et de l'enlacer.

- Promis, murmura Teresa.
- Promis, alors, jura Joan.

Cette dernière fut rassurée que une des personnes qui lui était le plus chère lui ait donné sa parole.

LA TRAHISON [Minho] [Le Labyrinthe]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant