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Depuis de longues minutes, un son insupportable résonnait dans toute la prairie, qui pourtant ne réveillait pas la jeune fille couchée dans l'herbe. Ce qui la poussa à l'éveil, ce fut la langue qui lécha sa cheville, qui la fit sursauter. Redressée sur elle même, la jeune fille constata qu'il s'agissait d'une créature à la peau rose, avec un groin proéminent, dont le nom apparut aussitôt dans son esprit : "cochon". Mais après ce terme, des centaines de souvenirs apparurent à la minute, l'envahissant, et la seule certitude qui l'habitait, c'était qu'elle était au bon endroit, au bon moment. Elle se laissa tomber sur le sol, se passa la main sur le visage, et leva les yeux au ciel, qui l'illuminait de toute part.

Elle se rappela qu'initialement, dans la caisse qui faisait tout ce bruit, il devait y avoir des fournitures -outils, matériaux- et de la nourriture. La jeune fille soupira et se releva, marcha jusqu'à rejoindre la boîte, qu'elle ouvrit. Elle attrapa la première caisse, la posa près du cochon qui était attaché au sol par la cheville et l'ouvrit, découvrant alors des marteaux, des vis, des tourne-vis ainsi que des clous. Elle les examina, réalisant qu'elle ne savait pas réellement comment s'en servir, et se tourna, découvrant qu'il n'y avait aucun bâtiment en bon état dans cet endroit. Elle poussa un grommellement, et continua d'ouvrir les caisses, y trouvant au hasard des outils, des matériaux, ou bien encore des boites de conserves remplies de nourritures. La jeune fille refermait les caisses lorsqu'elle se rendit compte qu'en dessous d'une d'entre elles, dans la boîte, se trouvait un objet protégé dans un tissu blanchâtre. Elle l'attrapa, le déballa et découvrit avec surprise que c'était un miroir. Elle n'avait pas oublié son reflet, mais c'était toujours surprenant de se retrouver ainsi. La jeune fille s'installa et fixa son reflet, songeuse. A quoi ressemblerait elle, dans dix ans ? Serait elle sortie ? Combien seraient-elles, quand elles partiraient ? Elle ébouriffa sa franche blonde, pour se remettre les idées en place, et rangea le miroir dans une des caisses.

Puis, elle se rappela que, initialement, elle n'était pas censée se réveiller dans l'herbe, mais dans la boîte. Selon ses souvenirs, elle n'était pas la première : une autre fille, Maggy, aurait dû être ici, aurait dû être là pour lui ouvrir mais elle ne l'était pas. Elle tenta de se remémorer quelque chose : après tout, peut être que Maggy l'avait laissée ici le temps d'aller chercher quelque chose ? Mais elle ne se souvenait de rien : en même temps si elle était toujours endormie, elle ne risquait pas de s'en rappeler.

Avec une moue perplexe, elle se leva, prit dans ses bras une des multiples caisses, avec laquelle elle marcha jusqu'à rejoindre le centre du Bloc, qu'elle put détailler en chemin. Un ciel bleu la couvrait, et rendait encore plus resplendissante l'herbe qui se trouvait sous ses pieds. Avec celle ci s'épanouissaient de nombreuses fleurs colorées, que la jeune fille écrasait sans même y penser. Mais ce qu'elle remarquait sans effort, c'était les grands murs qui l'encadraient : on l'avait prévenu que pour s'enfuir, il faudrait traverser et survivre au Labyrinthe. Cependant, malgré cette connaissance, elle ne restait pas de marbre face à cette vue.

Une fois toutes les caisses installées, elle se frotta les mains pour qu'elles soient propres, et chercha dans les caisses quelque chose qui ressemblait de près ou de loin à un élastique pour attacher ses cheveux. Elle en trouva une petite dizaine dans une pochette, et en prit un, dont elle se servit aussitôt.

Mais la pensée qu'elle ne devait pas être seule ne la quittait pas, et la jeune fille se releva. Elle attrapa le premier marteau qu'elle vit et s'éloigna du centre, s'approcha d'un des bâtiments usés dans le Bloc. Là bas, elle ne trouva pas de signe de vie, mais des caisses, les mêmes que la jeune fille avait trouvées dans la Boîte. Elle les ouvrit et constata avec surprise que les matériaux ne semblaient même pas avoir servis.

Soupirant, elle resserra sa prise sur le marteau, espérant soudainement que Maggy n'était pas allée dans le labyrinthe. La jeune fille soupira et continua d'avancer dans le Bloc : parcourant les diverses endroits, elle ne put que se rendre compte que tout était vide. Mais ne restant plus que les bois à explorer, la jeune fille ne perdait pas espoir : avançant discrètement, le marteau devant elle, elle traversa le pré qui la séparait de la forêt et rentra dans celle ci, inquiète.

Le seul bruit qu'elle percevait était celui de l'écureuil au dessus de sa tête qui sautait, la fuyant sûrement, et elle gardait les yeux rivés sur l'horizon.

A un point même que ce fut le son qui l'alerta : un craquement répugnant se fit entendre, et aussitôt la jeune fille recula, découvrant avec horreur qu'elle avait marché sur un bras. Elle en lâcha son marteau de surprise, en voyant qu'à peine deux centimètres de son pied demeurait la tête de Maggy. Ses cheveux bruns s'étaient éparpillés partout, et sa peau était plus que terreuse. Dans l'autre main restait l'arme : une grande lame, qui devait servir à tuer les animaux, initialement. Mais Meggy s'en était servie pour se tuer.

La jeune fille se laissa tomber au sol, hurlant de peine, car elle se rappelait parfaitement le sourire confiant de Maggy le jour de son départ, et cette phrase «de toute manière, on se revoit dans un mois !». Sans crier gare, elle plongea ses ongles dans la terre et creusa un trou d'une grande profondeur, et ce durant de longues heures. Une fois qu'elle fut apaisée, elle posa Maggy dedans, et la recouvrit de terre, en la maudissant. La jeune fille se releva et attrapa deux branches, avant de se détacher les cheveux et de nouer les deux bâtons entre eux, afin de former une croix. Elle ne grava pas son prénom : elle se souvenait que ceux qui arrivaient dans le Bloc ne se rappelaient de rien, ni de leur passé, ni de leur prénom -leur véritable prénom.

Sans attendre, la jeune fille accourra vers les caisses pour tous les outils nécessaires afin de graver dans la pierre son prénom à elle. Une fois face au mur de la porte nord, alors que son prénom apparaissait, elle murmurait cette phrase, les yeux larmoyants, un mince rictus sur les lèvres :

« Je suis Joan »

LA TRAHISON [Minho] [Le Labyrinthe]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant