Chapitre 1 : Rose

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7 ans plus tard... 14 août 2022.

Région de Toscane, Italie.

Accoudée à la terrasse de la propriété familiale, je savoure la douce caresse des embruns matinaux qui font frissonner ma peau. Je tente depuis une bonne heure de profiter du calme de l'aube pour écrire, en vain. Le syndrome de la page blanche, encore. Il faut dire que mon esprit est embrumé par les nouvelles de ces derniers jours. Grand-père se meurt.

Après un AVC, il y a trois mois, il est resté dans le coma et malgré la réactivité des médecins, il n'y a plus grand-chose à escompter.

Je soupire, partagée entre la tristesse de ce nouvel abandon familial et l'idée rassurante qu'il sera bientôt délivré de toute souffrance, soulagé de retrouver sa moitié qui lui a tant manqué...

Ma grand-mère est partie il y a un peu plus de cinq ans. Sa tumeur, inopérable, ne lui laissait aucun espoir, mais elle s'est battue avec courage, mettant à profit les quelques semaines où elle a été en pleine possession de ses moyens pour faire amende honorable. Comme une nécessité de libérer le poids sur ses épaules, comme un envie de se confesser. Sauf qu'en lieu et place du prêtre, c'est à moi qu'elle a craché ses plus sombres secrets. Ses remords, ses regrets, la tristesse, réalisant trop tard ce que son éducation étriquée lui avait arraché sa chair et son sang.

Sept ans plus tôt, Portree, écosse.

— Granny, tu as besoin de quelque chose ? Tu as pris ton traitement ?

— Vient par là ma petite chérie...

Elle tapote la place à proximité de sa main, posée sur le drap immaculé qui recouvre son lit médicalisé. Obéissante, je m'approche. Depuis bientôt sept mois que je suis rentrée en Écosse, ma grand-mère n'est plus du tout la même. Oublié la bienséance, oublié les obligations, elle veut juste vivre cette parenthèse avec moi. Effacer le passé pour le peu d'avenir qu'il nous reste. Danny doit venir ce week-end et elle est impatiente.

Depuis quelques jours, le temps, clément, me permet de la sortir en fauteuil dans le parc de la propriété. J'ai l'impression que ça lui fait du bien. Elle n'est pas toujours très bavarde, les yeux perdus dans le vague et l'horizon. On dirait qu'elle réfléchit, perdue au milieu de toute l'agitation de son cerveau.

— On pourrait aller dans le parc si tu veux ?

— Veux-tu bien rester tranquille ? J'ai des choses à te dire...

Elle est rarement aussi volubile ces derniers jours. Je finis pas m'installer à l'endroit qu'elle pointe du doigt sans la quitter du regard. Ses rides semblent si creusées, son visage perpétuellement marqué par la fatigue et les traitements. Ses traits restent crispés dans une douleur sourde, celle du mal qui la ronge un peu plus chaque jour. Elle a décidé d'arrêter de se battre. Oh elle n'a pas renoncé, non, mais elle dit à qui veut bien l'entendre qu'il n'y a pas de bataille à mener contre un ennemi invincible. La seule marge de manœuvre, c'est de ne pas en plus, lui sacrifier ses derniers moments de bonheur.

Je n'ai pas tenté de la raisonner. Sa décision était prise depuis des semaines et l'avis des médecins sans appel. Inopérable, elle n'a aucune chance de guérison. À quoi bon insuffler la mort dans ses cellules, irradier le mal pour détruire encore plus vite le peu de vie qu'il lui reste ?

Au moins, actuellement, elle ne lutte que contre la douleur.

— Je crois que Dieu me punit pour mes péchés Rose...

— Allons, Granny, ne dis pas de bêtises...

— Je garde ça pour moi depuis trop longtemps...

A l'encre de ton Coeur Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant