A l'encre de ton Coeur Tome 2

Chapitre 3 : Jack

Temps présent 14 août 2023 — San Francisco

Entouré de cris d'enfants, qui se mélangent à ceux des mouettes, je lâche un profond soupir, las. Mon retour de Boston est tombé à point nommé. Je devais venir pour voir de mes propres yeux ce qu'est devenu mon atelier. Un putain de chantier naval dédié à la marine de plaisance et je l'espère, à plus long terme, un autre consacré aux courses aux larges.

Bordel de merde, si grand-père pouvait voir ça...

J'en libère un sourire tant j'en suis encore moi-même incrédule. Il m'arrive de me réveiller certains jours et de ne pas y croire. Et pourtant...

Mais penser à mon grand-père brouille aussi vite ma gaieté.

Celui de Rose est décédé et Dan est parti précipitamment en Écosse avec Meghan pour organiser les funérailles. En tant que parrain, et meilleur ami, je me suis proposé pour garder Livio, leur fils. Il est trop petit pour faire ce voyage et surtout, ses parents vont avoir besoin d'être disponibles pour affronter cette épreuve.

Je pense à Rose, à toutes les personnes qui ont quitté sa vie ces années passées.

Comment se sent-elle à cet instant précis ?

J'ai maintes fois voulu lui adresser un message ces dernières heures, mais je me suis ravisé. Depuis le mariage de Dan et Meghan, il y a un an, nous ne nous sommes plus parlé. Je me suis toujours arrangé pour être à Boston quand elle revenait ici. De temps en temps, je demande juste à Dan si elle va bien, mais nous avons un pacte silencieux entre nous, je ne réclame pas de détails et de toute façon il n'en donnerait pas. C'est douloureux si j'y songe trop, mais c'est mieux comme ça.

Je n'ai plus aucun droit sur elle, sa vie, son avenir. Nos routes ont dévié et nos chemins n'ont plus aucune raison de se croiser.

Et même si mes muscles se crispent à cette idée, je pense que Darell est à ses côtés. Il est bien plus prévenant et bien plus attentionné que je ne le serais jamais. Il saura lui apporter ce dont elle a besoin.

Je passe machinalement ma main dans mes cheveux et les tire en arrière. Comme si ce geste pouvait chasser l'amertume qui remonte dans mon œsophage.

Sept ans plus tôt à Boston...

— Monsieur Dawson, installez-vous confortablement, Monsieur Colton va vous recevoir dans un instant, vous désirez boire quelque chose ?

— Ça ira, merci.

La femme s'éloigne après un rapide signe de tête. Blonde, plantureuse, dans la petite trentaine, tirée à quatre épingles, elle a vraiment le physique de l'emploi.

Je scrute mon environnement, me délectant de l'apparence impeccable des locaux, et des quelques clichés qui ornent avec humilité les murs anthracite. Sur des photos essentiellement en noir et blanc, une frise chronologique retrace l'épopée de l'entreprise familiale. Le premier fondateur, Charles Colton n'est autre que l'arrière-grand-père de Charles Colton junior.

La petite société de réparation de bateaux de pêche est devenue un incontournable du secteur de la navigation de plaisance.

Quand une nouvelle femme, brune cette fois-ci, m'interpelle, je me rends compte que j'ai abandonné ma place initiale de plusieurs mètres.

— Monsieur Dawson ?

— Oui ?

— Bonjour, je suis Samantha Clark, assistante et collaboratrice de Monsieur Colton.