Chapitre 8

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Griverfall, Ontario

Samedi 6 mai

[Lylith]

J'avance dans la rue en silence. À mes côtés, Icarys se calque sur mon pas sans rien dire non plus. Il a redissimulé son aura céleste.

Lorsqu'il l'a libérée pour faire fuir cette bande d'abrutis, elle a percuté de plein fouet mes sens d'enchanteresse tant elle était puissante. Ça n'avait rien à voir avec celle qu'il dégageait lors de son invocation. On aurait dit qu'il l'avait accentuée, autorisée à l'envahir pleinement.

Toutefois, ce n'est pas le seul élément qui m'a stupéfaite. Sa voix... elle était aussi forte qu'un coup de tonnerre. Elle n'avait rien d'humain.

Ma fascination pour lui s'envole aussitôt et le visage de Warren me revient. J'étais à la machine à pince, à deux doigts de gagner cette adorable peluche pieuvre réversible quand lui et sa clique sont apparus.

Comme au lycée, des années plus tôt, ils ont été incapables de me laisser tranquille. Il a fallu qu'ils se moquent de moi. Je pensais qu'en prenant de l'âge, ils changeraient, alors ça fait un moment que je n'essaye plus de les éviter. J'avais tort.

Comme à l'époque, ils se sont remis à m'humilier, à critiquer mon physique, ma façon d'être, à commenter mon corps et à faire de moi un objet finalement pas trop mal à baiser.

Les souvenirs qu'ils ont fait resurgir m'ont poussée à sortir prendre l'air. Quelle réaction idiote. C'était pourtant prévisible que Warren allait me suivre. Il n'a jamais loupé une occasion de me coincer seule dans un coin. Comment ai-je pu l'oublier ?

Même pour apprendre de mes erreurs, je ne suis pas douée.

Mais en quoi es-tu douée, ma fille ?

Je ravale les pensées négatives qui m'assaillent. Non, je ne les laisserai pas gagner.

Positive. Positive. Positive.

Sourire. Sourire. Sourire.

Pourtant, à cet instant, je n'y arrive pas. Mon cœur est trop lourd.

Je continue ma route en posant machinalement un pied devant l'autre. Soudain, nous croisons un petit garçon en pleurs. Sa mère s'empresse de le rejoindre et le prend par la main, ce qui calme sa crise de larmes.

Nous avançons et je m'apprête à m'engager sur un passage pour piéton sans regarder. Icarys me saisit le poignet et me tire en arrière juste à temps pour éviter de me faire renverser.

— Attention, me dit-il, imperturbable.

Je reste immobile et fixe sa main sur ma peau. Il suit mon regard, il a remarqué mon air sombre, j'en suis certaine, même s'il n'émet aucun commentaire depuis que nous avons quitté la ruelle.

Il se retourne ensuite pour lancer une œillade au petit garçon et à sa mère qui ont rejoint l'autre bout du pâté de maisons. Il reporte son attention sur nous et glisse sa paume contre la mienne. Le contact de ses doigts s'entrelaçant aux miens me déclenche un frisson, mais je ne le repousse pas.

Au contraire, je le remercie silencieusement pour ce geste de réconfort.

Nous nous remontons en route. Certains passants se retournent sur nous, ou plutôt sur Icarys. Je reconnais certains d'entre eux qui, en raison de notre contact, doivent interpréter la situation d'une façon bien précise. Je m'en moque, c'est le cadet de mes soucis.

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