Chapitre 33

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Griverfall, Ontario

Vendredi 7 juillet

[Icarys]

Les mains dans les poches, j'observe Kurt, adossé contre le bar de la cuisine, en train de se ronger les ongles. En cette fin de journée, nous nous apprêtons à nous rendre à la mairie pour tout avouer aux intendantes et à Katelyn, encore présente à Griverfall.

En effet, avec Lylith, nous avons décidé de les informer de tous nos secrets. Nous allons donc leur révéler l'existence du rubis ainsi que ma véritable identité. Concernant ma nature divine, j'ai pris cette décision le lendemain de notre réconciliation, il y a quelques jours. Je ne veux plus dissimuler qui je suis, d'autant plus que mentir commence à me porter préjudice. Pour ce qui est du rubis, ma petite enchanteresse a longuement hésité. Lorsqu'elle l'avait en sa possession, la pierre voulait qu'elle se taise. Néanmoins, elle en est arrivée aux mêmes conclusions que moi : l'heure n'est plus aux mensonges.

Nous avons donc d'abord tout raconté à ses parents. C'était également l'occasion de prendre de leurs nouvelles. Sans surprise, ils souffrent toujours de la trahison de Selena, mais au moins, ils peuvent se soutenir mutuellement, ce qui n'est pas le cas de Kurt qui doit affronter ça seul.

Nous l'avons invité plusieurs soirs à diner chez nous, les jours précédents, pour éviter qu'il se retrouve seul dans l'appartement qu'il partageait avec celle qu'il pensait être l'amour de sa vie. Nous lui avons aussi tout expliqué.

Il va mal, je le vois, et ça me touche. Il a toujours été présent pour moi depuis mon incarnation, j'ai envie de lui rendre la pareille, mais je ne sais pas comment m'y prendre. Je ne vois pas ce que je pourrais faire de plus que lui donner du temps. Seul celui-ci le guérira. Alors, j'essaye juste de l'écouter quand il en a besoin, même si je suis loin d'être un aussi bon conseiller que Lylith.

— Eh, tout va bien ? dis-je.

Il relève la tête.

— Mmh, oui, ça va.

Non, évidemment que ça ne va pas.

Je me contente de m'avancer et de poser une main amicale sur son épaule.

— Prêt pour cette entrevue ?

— C'est moi qui devrais te demander ça, rit-il nerveusement. C'est vous qui allez vous prendre un savon pour avoir caché des choses à notre hiérarchie.

Je laisse tomber mon bras le long de mon corps et soupire. Il a raison, nous risquons de passer un moment désagréable.

— Je n'en reviens toujours pas que tu sois un dieu, reprend-il.

— Cela ne change rien.

— Oh, ne sois pas si modeste !

Je bats des paupières. Ce n'est pas de la modestie, c'est juste... je ne sais pas. Je ne vois pas pourquoi je changerais. Moi, j'ai toujours su qui j'étais.

Je me sens toujours autant maladroit socialement.

— Tu veux que je t'ordonne de t'agenouiller devant moi, misérable humain ?

Il me dévisage un instant avant de sourire face à mon trait d'humour.

— Je vois que tu commences à cerner le second degré, constate-t-il. Cependant, tu n'étais pas loin de ce type de comportement les premières fois que nous nous sommes vus. Un mec à côté de la plaque qui ne se considérait pas aussi primitif que nous.

— Je ne me considère toujours pas comme un humain. Et vous êtes des animaux primitifs. Mais ce n'est pas pour ça que je m'estime supérieur.

Il se redresse et me donne une claque dans le dos.

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