Chapitre 19

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Griverfall, Ontario

Vendredi 2 juin

[Icarys]

La nuit commence à tomber lorsque je ferme la porte de l'appartement de Lylith derrière nous. Nous sommes enfin rentrés de Toronto après l'incident de ce matin.

Après que les ombres et leur maître soient partis, les membres de la congrégation ont refusé de nous donner une explication. Ils nous ont simplement dit que cet homme était un criminel recherché par les enchanteurs depuis des années. C'est pour cette raison qu'ils ont semblé le connaître et ne pas l'apprécier.

À vrai dire, je m'en fiche pas mal de savoir qui il est et ce qu'il a fait pour être considéré comme un hors-la-loi. Ce qui me perturbe, ce sont les dernières paroles qu'il a glissées à mon oreille.

Tu les laisses se leurrer sur ta véritable nature, mais moi, je sais qui tu es vraiment, m'avait-il lancé.

Je me suis crispé. Comment peut-il le savoir ?

De toute façon, personne ne semble l'avoir entendu et puis quelle importance que les autres sachent qui je suis vraiment ? Cela ne change strictement rien, au fond. C'est pour ça que je n'ai jamais corrigé leur erreur à mon propos et c'est probablement mieux de les laisser croire qu'ils ont raison.

Mais lui sait.

Je tente une nouvelle fois de chasser ces paroles de mon esprit.

Je suis Icarys et je veux simplement retrouver ma forme originelle.

Lylith lâche ses bagages et part s'affaler dans le canapé. Elle lâche un profond soupir. Je sais qu'elle a été beaucoup secouée, tout à l'heure. Ça se comprend, ces entités ténébreuses étaient effrayantes. Même moi, j'ai senti le désespoir et la peur qu'elles inspiraient.

Après que les membres de la congrégation nous eurent ordonné de ne rien dire, nous avons fait nos valises et sommes partis dans l'après-midi. Lylith s'est terrée dans le silence et je n'ai pas essayé de la faire parler. Moi aussi, j'étais perdu dans mes pensées. Elle n'a d'ailleurs pas été plus bavarde durant le trajet. Contrairement à l'aller, elle n'a pas essayé de faire la conversation.

Soudain, elle éclate en sanglots. Carl, qui était adossé au mur, se précipite vers elle. Quant à moi, je fronce les sourcils. Le son de ses pleurs qu'elle essaye d'étouffer me lacère le cœur. Du moins, c'est la sensation étrange que je ressens à chaque fois que je la vois triste.

Je m'approche à mon tour et prends place à ses côtés sur le divan. Je l'attire à moi et elle se réfugie dans mes bras.

Je ne dis rien et me contente de lui caresser les cheveux. Collé contre ses jambes, son balai projette un regard menaçant dans mon esprit.

Qu'est-ce que tu lui as fait ? lâche-t-il sur le ton du reproche.

Je secoue la tête. Je n'ai pas envie de me disputer avec un morceau de bois. Face à ma réaction, il comprend que la situation est plus compliquée qu'elle n'en a l'air.

— Je suis désolée, renifle Lylith. Je ne comprends pas ce qu'il me prend.

Elle se redresse et essuie ses yeux d'un revers de main.

— Ce n'est rien. La journée a été intense.

Elle se lève.

— Oui. Un peu trop.

Elle expire et inspire plusieurs fois d'affilée avant de retrouver son sourire habituel.

— Tu n'es pas obligée de te forcer, dis-je.

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