Chapitre 10

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Griverfall, Ontario

Vendredi 19 mai

[Lylith]

Je quitte le travail, les nerfs à vif. Je dois rejoindre ma mère à la boutique de couture pour faire le dernier essayage de ma tenue de mariage.

Je me marie demain.

Je peine encore à le croire. Ça me paraît lunaire.

La semaine dernière, quand les intendantes nous ont annoncé ça, j'ai cru rêver.

Elles ont évidemment pris la peine de nous expliquer pourquoi c'était nécessaire, j'ai bien compris l'idée de couverture. Mais quand même, ça reste une décision lourde de symbolique.

Dès que nous aurons trouvé une solution pour faire retrouver à Icarys sa forme originelle, vous pourrez divorcer, m'avez souligné la plus jeune des deux.

Icarys a donc maintenant des papiers. Il se nomme Icarys Peterson, il est originaire de Suède. Il est venu ici pour mêler voyage et travail puis nous sommes très vite tombés amoureux.

Juridiquement parlant, même en se mariant, les époux gardent leur noms de famille respectifs. Prendre le nom de son mari n'est en rien une obligation légale, même s'il est permis de le changer sur certains documents, ce que nous allons faire. Nous nous déclarerons comme étant Monsieur et Madame Underwood auprès de notre entourage comme l'impose encore parfois la coutume et ferons les changements sur les papiers autorisés. Choisir mon nom est la meilleure option puisqu'il est réel et non basé sur une fausse identité comme celui d'Icarys. Ça évitera aux hominis de creuser plus loin. Et puis, au vingt-et-unième siècle, il n'est pas interdit pour le mari de prendre le nom de sa femme. Cela peut juste paraître plus surprenant.

Lorsque les intendantes sont parties, j'ai fait les cent pas dans l'appartement. Elles nous ont également expliqué que nous devrons rendre notre mariage civil crédible. Donc même si nous n'avons pas besoin de faire une fête grandiose, lors de notre passage à la mairie, nous devrons avoir l'air amoureux devant les quelques invités avant de donner une petite fête.

Nous devrons aussi prendre des photos et laisser les gens en poster pour que tous les citoyens croient à un vrai mariage. Et puis, ça laissera des traces dans les registres et sur les réseaux sociaux pour renforcer la crédibilité des noces.

Ma mère a essayé de me calmer, mais j'étais en panique totale. Icarys, quant à lui, est resté figé sur le canapé.

Nous avons donc passé la semaine à préparer cette union arrangée. Ce sont les intendantes qui se sont chargées de la licence de mariage et d'organiser les préparatifs civils. Comment ont-elles réussi cet exploit en un délai si court ? Je l'ignore, mais j'évite de m'en tracasser.

La case « mariée » sera bientôt cochée sur mes papiers. D'ailleurs, il y a pas mal de paperasse administrative à faire, à commencer par domicilier Icarys à mon adresse.

Ces derniers jours se sont écoulés à une vitesse folle. Je n'ai pas eu une minute à moi.

Respire, Lylith.

J'inspire et expire pour refouler mes angoisses. Puis, je me souviens que les intendantes nous ont aussi fait part des intentions de la congrégation de nous rencontrer.

Je manque de défaillir et un passant vient m'aider.

— Vous allez bien, mademoiselle ?

— Oui, oui, merci.

— Vous devriez manger quelque chose.

— J'y penserai, encore merci.

Et je poursuis ma route, les pensées en vrac. J'ignore ce qui me fait stresser à ce point. Nous n'aurons qu'à jouer la comédie une journée et puis reprendre notre vie d'avant. Ça ne changera finalement rien hormis notre image publique et notre état civil.

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