Chapitre 21

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Griverfall, Ontario

Vendredi 9 juin

[Lylith]

Fin de journée, je rentre la première à l'appartement, le sourire aux lèvres. Je souris tout le temps, c'est vrai, mais depuis quelques jours, la raison de ma bonne humeur a deux ailes dans le dos.

Depuis que nous avons admis nos sentiments l'un envers l'autre, j'ai l'impression de vivre sur un petit nuage. Je n'ai même pas donné de crédit à la remarque désobligeante de ma collègue à propos du café que j'avais préparé. Il faudrait un jour que je tape du poing sur la table, je le sais, ça ne peut pas continuer comme ça. Mais pas aujourd'hui.

Évidemment, ces dernières nuits furent très... fusionnelles. Malgré les quelques maladresses d'Icarys dues à son inexpérience et les crampes aux mollets qui m'ont prise deux fois par surprise, ça reste des instants que je chéris. Mon mari est à l'écoute, il prend en compte chaque conseil que je lui donne lors de nos moments intimes. Ça casse parfois la tension, mais la communication, c'est très important, surtout au lit.

Une fois dans la pièce de vie, je dépose mes affaires et m'affale sur le canapé dans une position disgracieuse.

J'aperçois le manche de Carl bouger autour de moi.

Vous êtes ridicules, tous les deux, depuis quelques jours, me lance-t-il.

— On est amoureux, laisse-nous tranquille.

Le sentiment d'une paire d'yeux qui se lève au ciel me traverse. Pourtant, je n'ai pas l'impression que nous sommes devenus plus niais. Icarys est toujours le même : impassible et insondable. Nous avons seulement quelques gestes tendres l'un envers l'autre.

Et, je l'admets, il sourit un peu plus souvent. Tant mieux, ça lui va bien.

Je lève ma main en direction du plafond et observe mes doigts. Mon regard se pose sur mon alliance qui scintille à mon annulaire.

Jamais je n'aurais cru que je me marierais avant de tomber amoureuse.

Enfin, je pense que je commençais déjà à ressentir quelque chose avant la cérémonie, mais c'était encore trop tôt pour mettre des mots dessus.

Soudain, un bruit sourd explose dans la pièce. C'est comme si le bois qui composait le bâtiment venait d'émettre un craquement plaintif. Je me redresse et scrute les alentours quand une énorme masse noire s'élève devant moi.

Mon cœur loupe un battement en même temps qu'une sensation glaciale me parcourt le corps.

Je reconnais cette ombre... ainsi que l'aura qu'elle dégage.

Tétanisée, je réagis trop tard. La silhouette ténébreuse est déjà presque sur moi lorsque je saute par-dessus le dossier du canapé. Elle m'attaque, enroulant ses filaments obscurs autour de moi. Je tombe au sol et commence à me débattre contre cette chose vaporeuse. Je frappe dans le vide, je crie.

Le stress et la précipitation m'ont fait perdre mon sang-froid. Il est impossible pour moi de jeter le moindre enchantement pour me défendre. Même si j'ai continué à m'exercer ces derniers jours, je ne suis pas encore assez entraînée pour me défendre dans une telle situation.

Ils ont raison, je suis nulle.

L'ombre m'emplit de désespoir et fait ressortir mes plus profondes angoisses. Toutes ces pensées négatives que je m'efforce constamment de refouler, voire d'anéantir, prennent le dessus.

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