HEAVENLY

Chapitre 22

Griverfall, Ontario

Dimanche 11 juin

[Icarys]

Assis derrière un petit bureau, je repousse ma chaise et soupire. Avec Lylith, nous sommes venus poursuivre nos recherches dans la boutique de sa mère. Elle voulait jeter un œil aux grimoires des rayonnages et puisque nous sommes dimanche, personne ne viendra nous déranger. Quant à moi, je me suis contenté d'emporter son pc. Internet est suffisant pour m'informer sur le mythe d'Icare.

Et le problème est là : je connais le récit par cœur et je ne comprends pas en quoi il renferme la clé.

D'ailleurs, je me suis renseigné sur la mythologie grecque de façon plus générale. Je n'y vois aucune solution à ma situation. Pourtant, le dernier vers est clair « c'est dans le mythe que se trouve la clé ».

— Tu désespères ? me lance la petite enchanteresse, assise sur une commode, un livre en main.

— Un peu, ça ne me mène nulle part.

— Les paroles des divinateurs sont parfois très métaphoriques. On pense connaître leur signification alors qu'elles désignent tout autre chose.

— Est-ce que leurs prophéties sont fiables ?

— Oui et non, car on ne les comprend généralement pas. C'est ça le problème, dit-elle en faisant la moue.

— Et toi, tu as trouvé quelque chose ?

— Non. Pour le coup, ma partie est un véritable charabia. Donc je me suis rabattue sur la boule de rubis.

Curieux, je me tourne vers l'écran de l'ordinateur portable et recherche la signification du rubis.

— Le rubis est associé au courage, à la confiance en soi et à la joie de vivre, lis-je. Il est également un emblème de loyauté, de bonheur, de feu ardent, voire d'amour divin...

Ces derniers termes m'interrompent. Derrière moi, Lylith glousse.

— Cela nous correspond bien.

— Un peu trop. Tout ceci ne peut être une coïncidence, surtout si cette pierre t'a appelée à elle, dis-je.

— Si tu veux mon avis, rien de tout cela ne l'est. Ni les paroles de la divinatrice ni cette pierre ni l'apparition de Jeremias. La question est : qu'est-ce qui lie tout ça ?

— Je l'ignore, mais tu sembles y jouer un rôle.

Je ferme la page internet et me tourne vers elle. Elle fixe un point dans le vide par-dessus son grimoire, une expression pensive sur le visage.

Je lui demande :

— À quoi penses-tu ?

Je me lève et la rejoins. Je pose son livre à côté d'elle, écarte ses jambes et m'y insère pour lui faire face. Même assise sur le meuble, elle reste plus petite que moi.

— Le rubis, dans le monde de l'enchantement, est associé au feu et au sang, lâche-t-elle.

Tandis qu'elle parle, je replace une mèche derrière son oreille avant de plonger mes prunelles dans les siennes.

— Et ?

— La divinatrice a parlé d'oiseau, d'épines, et de feu, ainsi que d'un œil de sang... Et puis, il y a moi, aussi. J'ai l'air d'avoir une affinité avec l'élément du feu, comme mes enchantements spontanés ont pu le démontrer.

Je repense à l'épisode de son peignoir et aux flammes qui sont sorties de ses narines lorsqu'elle a éternué.

— Mais il y a aussi eu le champ de coquelicots et la pousse des orchidées au panthéon, fais-je remarquer.