Chapitre 20

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Média : Parce qu'un regard peut parler

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Griverfall, Ontario

Lundi 5 juin

[Icarys]

Je pousse la porte du bar dans lequel Kurt m'a donné rendez-vous.

Avant-hier, après la révélation concernant Jeremias, la famille de Lylith s'est rapidement éclipsée. Sa mère et sa sœur avaient besoin de digérer l'information.

Quant à nous, nous sommes restés ahuris. Enfin, surtout elle. Moi, je me sens moins concerné par cette affaire, bien que je reste sensible à ses ressentis. Le reste du week-end a été calme, nous l'avons passé devant une série pour qu'elle puisse se vider la tête.

Même si elle a relaté notre mésaventure de Toronto à ses proches, elle n'a pas mentionné la prophétie et la boule de rubis qu'elle a trouvée.

Je voudrais que nous gardions cela pour nous encore un moment, m'avait-elle précisé.

J'ai acquiescé sans protester.

En revanche, une autre problématique me tourmente : ce tumulte d'émotions que je ressens.

Nous n'avons pas repris notre conversation interrompue par l'arrivée de ses parents et cela me chiffonne. Je ne comprends pas tous ces sentiments. J'ai besoin d'explication et je me suis rendu compte qu'il fallait que j'en parle avec quelqu'un. Hier, j'ai donc emprunté le téléphone de Lylith pour contacter Kurt.

Il m'a donné rendez-vous dans ce bar, à vingt heures, pour prendre un verre. La jeune femme a été étonnée par cette rencontre, mais elle ne m'a posé aucune question.

Je zigzague entre les tables et rejoins Kurt, assis à l'une d'elles. Dès que je prends place, une serveuse s'approche et l'ami de Lylith nous commande deux bières.

— Tu vas voir, ça change des smoothies de la salle d'arcade, m'assure-t-il. Tu as déjà bu de l'alcool ?

— Juste un peu lors du mariage.

— Ne t'inquiète pas, le pourcentage est faible. Enfin, peut-être que ta condition d'esprit te rend moins sensible à l'ivresse.

Je hausse les épaules. Je ne sais pas.

— D'ailleurs, je n'en reviens toujours pas que tu aies des ailes, enchaîne-t-il.

— Tu n'es pas le seul.

Je repense au regard fasciné de Lylith, à son toucher, à ses caresses provocantes quand nous faisions l'amour.

— Tu es au courant que tu souris comme un idiot, s'amuse mon interlocuteur.

Je papillonne des paupières.

— Ah bon ?

Mon détachement soudain le fait rire. La serveuse choisit ce moment pour apporter nos boissons.

— Alors, de quoi voulais-tu me parler ? me demande-t-il lorsqu'elle s'en va.

J'ouvre la bouche, mais aucun son n'en sort. Je me sens soudainement gêné.

Pourquoi ? C'est pourtant moi qui ai sollicité son aide. Je ne devrais pas me sentir si mal à l'aise.

Il sourit.

— Laisse-moi deviner, ça concerne un petit bout de femme à la chevelure rouge et à l'optimisme indéfectible ?

Je détourne les yeux.

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