Chapitre 2

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Griverfall, Ontario

Samedi 22 avril

[Lylith]

Je déglutis. L'homme a croisé les bras, ce qui fait ressortir les muscles de ses biceps. Il nous dévisage toutes les deux avec une neutralité inhumaine.

Par Merlin, qui est ce type dépourvu de toute émotion apparente ?

Je reporte mon attention sur ma sœur qui me fixe avec sévérité. Je connais cette expression. Notre mère abordait la même lorsque nous étions enfants et que nous faisions une bêtise.

— Alors ? lance-t-elle.

Résignée, j'abandonne mon attitude innocente. Mes épaules s'affaissent et la lassitude me gagne.

— Je ne sais pas qui est ce mec. Quant à ce que je faisais dans ces bois, j'ai simplement voulu tester un sort de communication avec les arbres. Mais comme d'habitude, j'ai échoué.

Selena m'observe de longues secondes et finit par soupirer. Toute trace de fermeté a déserté ses traits afin de laisser place à la compassion.

— Au moins, tu n'y as pas mis le feu, plaisante-t-elle pour dédramatiser.

Je ne peux m'empêcher d'étirer un sourire.

— Pas de catastrophe.

— Ça, ça reste à voir, intervient le blondinet.

Nous nous tournons vers lui. J'ai failli l'oublier.

— Qu'est-ce que tu veux dire ? questionne ma sœur.

Elle le détaille de haut en bas, comme si elle venait à peine de remarquer que seule ma veste en jean l'habillait.

— J'ai été invoqué, répond-il.

Elle plisse les yeux avant de les écarquiller, l'air grave. Ses prunelles croisent ensuite les miennes.

— On va chez toi et on l'emmène.

Elle pointe du doigt l'inconnu. Ce dernier ne la contredit pas. Après tout, mon aînée sait ce qu'elle fait et cela se ressent.

— Mais avant, on va mieux te vêtir, mon gars.

Elle se positionne devant lui, remue les lèvres et claque des doigts. L'homme se retrouve soudainement habillé d'un t-shirt gris et d'un jean, une paire de baskets aux pieds.

J'entrouvre la bouche, face à ce qui est pour moi, un exploit. Elle a fait apparaître des vêtements provenant probablement de l'une des penderies d'un habitant de la ville.

Je lui ferai bien remarquer que c'est du vol, mais si j'ai bel et bien invoqué ce type, mieux vaut que je fasse profil bas.

L'inconnu me rend ma veste. Je tends le bras pour la saisir et mes phalanges frôlent les siennes. Ce contact me fait lever les yeux vers lui et mes iris croisent les siens. Il m'observe avec une telle intensité que ça me met mal à l'aise.

— Bon, allons-y ! dis-je.

Je me retourne d'un coup, ouvrant la marche, nerveuse.

Misère, qu'est-ce que j'ai encore fait ? Comme j'ai pu invoquer un beau gosse ? Est-ce même possible ?

Pourtant, seul un fou pourrait prétendre une telle chose. Et même si le blondinet a l'air aussi peu émotif qu'une pierre, il ne semble pas fou.

Ou bien est-ce un psychopathe qui connaît l'existence des enchanteresses ?

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