Chapitre bonus

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Griverfall, Ontario

Avril

Un an plus tard

[Icarys]

Debout dans notre chambre, je fais silencieusement les cent pas dans la pièce, Elios blotti contre mon torse dénudé.

Notre fils est né il y a quatre mois, le vingt et un décembre, le jour du solstice d'hiver. C'est assez ironique que nous l'ayons nommé Hélios, comme le dieu grec du soleil, le jour où ce dernier est le moins présent dans le ciel. Cependant, nous aimions beaucoup ce prénom qui correspond bien à ce que notre enfant représente pour nous. Lylith a d'abord voulu l'appeler Merlin, mais j'ai refusé. Porter le nom d'une figure si emblématique chez les enchanteurs risquait de lui mettre la pression. Et Elios, ce n'est pas si mal. C'est un mixte entre Elias et Eliot, deux noms relativement communs.

Je continue de marcher d'un bout à l'autre de la pièce pour border l'enfant. Il dort plus facilement dans nos bras quand l'un de nous est en mouvement. J'essaye de retarder le moment où il se réveillera pour permettre à Lylith de se reposer. Elle est actuellement endormie dans notre lit et elle est épuisée.

L'accouchement a été éreintant, surtout pour elle. Il a fallu quarante-huit heures pour que notre trésor pointe le bout de son nez. À la fin, ma femme était toute pâle, des cernes interminables sous les yeux. Je me suis fait insulter pendant des heures. Elle me reprochait que tout ça, c'était ma faute, que c'était moi qui l'avais mise dans cet état-là. Je ne l'ai pas pris pour moi, sa mère m'avait prévenu que tous les pères passaient par là. Je me suis donc contenté d'aller dans son sens.

Malgré les heures à encaisser la douleur et la fatigue, elle n'a pas gémi une seule fois. À chaque contraction ou à chaque poussée, elle n'a pas émis la moindre plainte. Parce que Lylith est une battante et elle est la persévérance incarnée.

Depuis, nous vivons dans le bonheur, mais dans un bonheur épuisant. Un bébé, ça pleure tout le temps. Moi, avec mon boulot, je ne suis pas là la journée, mais que je rentre, je vois bien que ma femme est exténuée malgré son sourire rayonnant. La nuit, elle n'a pas le choix de se réveiller, car elle allaite et c'est une tâche pour laquelle je ne peux pas l'aider.

J'essaye donc de m'occuper du reste : du ménage, de changer notre fils, de le laver.

Je sens Elios se tortiller. Je baisse la tête et découvre qu'il a les yeux grand ouverts. Ils sont aussi bleus que les miens. Beaucoup de nouveau-nés ont les iris bleus. Avec le temps qu'ils peuvent changer pour obtenir la nuance que la génétique leur a attribuée. Quand notre fils est né, il avait déjà les prunelles d'un bleu presque surnaturel. La sage-femme était en admiration.

Il commence à grimacer, alors je lui tapote le nez.

— Non, ne pleure pas s'il te plaît.

Il a mangé il n'y a pas longtemps et il est changé. Il n'a aucune raison qu'il se mette à geindre.

— Chut, chut, chut.

Il gigote et fait aller ses petites mains. Je comprends qu'il essaye de saisir mon doigt. Je le lui donne et il tente de le diriger vers sa bouche. Je l'aide un peu et il le suçote. J'étire un sourire, l'illusion est parfaite.

— Icarys ?

Mes ailes frémissent dans mon dos et je me tourne. Lylith est assise sur le bord du lit, l'expression ensommeillée.

— Tu devrais dormir encore un peu.

— Non, je me suis bien reposée, ne t'en fais pas.

Elle bâille et tend les bras vers le haut pour s'étirer.

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