Chapitre 14

9.4K 712 193
                                    


Griverfall, Ontario

Mercredi 24 mai

[Lylith]

Je quitte le travail plus tôt. Icarys et moi avons rendez-vous avec les intendantes à la mairie. Je suppose qu'elles vont nous parler de notre prochaine rencontre avec la congrégation.

Je le rejoins sur la grande place. Je vois qu'il a eu le temps de se changer, cela signifie donc que, contrairement à moi, il a pu repasser à l'appartement après le travail.

Depuis l'incident du peignoir dimanche, je ressasse sans cesse son hypothèse : et si, depuis le début, ma communauté se trompait à mon sujet ?

Je n'ai pas voulu en reparler et j'en ignore les raisons. Je devrais être contente, ça veut dire que je ne suis pas nulle et que, en corrigeant mon apprentissage, je pourrais devenir une meilleure enchanteresse. Je pourrais enfin prouver à tous qu'ils ont eu tort me concernant. Cependant, le fait d'être différente, de détenir un potentiel rare et oublié me fait peur. Pas que cela fasse de moi quelqu'un de plus puissant, mais ça me donne une impression d'être en marge.

Arrête d'être si pessimiste ! C'est une grande nouvelle ! proteste mon optimisme à chaque fois que ces pensées me tourmentent. Il a raison, ça ne sert à rien de se torturer l'esprit.

Je vais enfin pouvoir lancer des enchantements !

Nous n'en avons encore parlé à personne. Sans raison valable, mon instinct me hurle de garder ça pour nous pour l'instant. J'aimerais que l'on prenne le temps de vérifier sa théorie avant de l'exposer à qui que ce soit. Même pas à ma famille et encore moins aux intendantes.

Je salue Icarys et lui saisis la main afin de montrer aux passants la nature supposée de notre relation. Il se laisse faire et nous nous dirigeons vers le bâtiment de pierre.

À peine arrivons-nous dans le hall que la plus jeune – et la plus stricte – de nos deux supérieures vient nous chercher. Nous la suivons jusque dans la même pièce que la dernière fois. En revanche, je remarque qu'il y a moins de chaises et que sa collègue n'est pas là.

Par Merlin, j'aurais préféré avoir un entretien en solo avec l'autre, elle est plus douce !

Celle qui nous reçoit s'appelle Mérida et son homologue, Astrid. J'avais déjà entendu leur nom avant, il y a longtemps, mais puisque je n'étais jamais confrontée à elles, ma mémoire ne les a pas retenus. Elles sont si souvent qualifiées par leur fonction qu'on en oublie leur prénom. Pour notre communauté, elles sont les intendantes : supérieures et inaccessibles. Même ma mère ne les appelle jamais autrement. C'est lors d'une conversation à la fête de mon mariage que leur identité a refait surface.

Mérida nous invite à nous installer en face d'elle. Nous sommes séparées par un large bureau d'une autre époque.

— Bien. D'abord, je tenais à vous féliciter pour votre mariage. D'après les retours que nous en avons eus, vous avez su vous montrer aussi convaincants que lors de la cérémonie.

En effet, elle et son binôme n'étaient présentes qu'à cette partie-là de notre union. Heureusement d'ailleurs, je n'aurais pas aimé qu'elles soient témoins de mon moment d'ivresse.

Icarys semble imperturbable. Comment fait-il après tous les moments très suggestifs que nous avons échangés ? Moi, je dois lutter contre la chaleur qui tente d'irradier mes joues.

— En revanche, j'aimerais vous prévenir d'une chose. Vous êtes libres d'entretenir une relation intime si ça vous chante, ça ne regarde que vous, mais protégez-vous. Il serait mal venu d'engendrer une nouvelle espèce d'enchanteur aux pouvoirs atypiques.

HEAVENLYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant