Chapitre 35

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Toronto, Ontario

Samedi 15 juillet

[Lylith]

Je dévisage l'homme qui nous fait face. Bien qu'il affiche un sourire bienveillant, j'ignore comment réagir. Est-ce un ami ou un ennemi ?

Je l'observe plus attentivement. Il a les cheveux noirs en bataille, le teint mat et des yeux d'un vert presque irréel. Il pose sur moi un regard qui ne traduit aucune mauvaise intention.

— Qui êtes-vous ? demande Icarys.

Je n'ai même pas besoin de tourner la tête dans sa direction pour deviner qu'il a pris sa forme divine, je l'entends juste à son timbre orageux et le sens à l'énergie intense qu'il dégage subitement.

— Eh bien, ta femme vient tout juste de jurer par mon nom, Divinité du Ciel.

Je fronce les sourcils. Jurer par son nom ?

Par Merlin !

— Attendez, vous êtes Merlin ?

— Je dirais bien en chair et en os, mais ce n'est pas tout à fait vrai, s'amuse-t-il. Je suis un fragment de conscience.

Je bats des cils. Merlin.

Je le détaille d'un nouvel œil et je suis encore plus désorienté qu'avant. Je ne l'imaginais pas comme ça. J'ai l'image d'un vieillard avec une longue barbe blanche qui lui tombe jusqu'au genou. Tandis que là, j'ai face à moi un homme plutôt séduisant.

Mon air ahuri lui arrache un petit rire.

— Laisse-moi deviner, ce n'est pas l'image que tu avais de moi.

— En effet, je vous imaginais plus vieux.

— J'ai été vieux un jour. Néanmoins, je préfère me présenter sous cette forme, quand j'étais encore dans la fleur de l'âge.

Un autre élément me trouble. Merlin, personnage emblématique de la légende arthurienne, a vécu sur l'île de Bretagne, ce qui correspond grosso modo à la Grande-Bretagne actuelle. Pourtant...

— Vous êtes métisse ?

Aujourd'hui, le métissage n'a rien d'exceptionnel. Avec la modernisation, les gens voyagent et se mélangent. Mais à son époque, il y a plus de mille cinq cents ans, les peuples ne se côtoyaient pas comme de nos jours. Ça devait donc être moins fréquent.

— En effet, ma mère, sous sa forme humaine, est noire de peau.

Je plisse les yeux. Comment ça « sous sa forme humaine » ?

Mon incompréhension totale semble l'amuser. Icarys qui a compris plus vite que moi intervient :

— Vous êtes le fils de ma sœur. Je sens son énergie dans votre sang.

Il hoche la tête pour confirmer.

Attendez, attendez, attendez. Merlin, le prophète des enchanteurs, est le fils de la déesse de la Nature ?

J'entrouvre la bouche, les neurones en surchauffent, choquée par toutes ces révélations.

Soudain, une silhouette intangible apparait. Une femme à la peau ébène, aux cheveux frisés et aux yeux aussi verts que les feuilles d'un hêtre sourit dans une posture figée.

— C'est l'un de mes souvenirs, explique Merlin.

Fascinée, je m'approche. Elle est incroyablement belle. Elle dégage cette même beauté mythique que mon mari. Aucun doute, c'est bien une déesse.

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