L'innocence de notre âge
JAREK
7 mois auparavant.
Silencieux, j'entre chez moi après mon père qui vient de claquer la porte en faisant un boucan phénoménal. Un tressaillement m'échappe, mais je reste de marbre les pieds ancrés dans le sol, comme figé sur place. Quant à mon paternel, il fulmine. Passant une main rageuse dans ses cheveux dorés striés de mèches argentées, il fait les cent pas dans le salon. Sa grande silhouette musclée vêtue d'un de ses innombrables costumes se déplace à une vitesse hallucinante. Je l'observe sans oser ne serait-ce que respirer trop fort pendant qu'il vocifère à qui veut l'entendre combien son fils unique n'est qu'un sale gosse ingrat et prétentieux.
C'est un discours auquel je suis habitué, mais aujourd'hui je suis trop fatigué pour l'entendre. Je me dirige alors vers les escaliers quand une grande main se plaque sur mon épaule et me retourne brusquement.- Tu ne vas nulle part tant que tu ne m'as pas expliqué pourquoi tu t'es battu avec ce garçon !
Ses yeux d'un bleu glacial sont fixés dans les miens et pas un instant je baisse les yeux ou détourne le regard. Il n'a pas cessé de me poser la question depuis que nous sommes sortis du bureau du proviseur, et à chaque fois, il s'est heurté à un mur de pierre. Encore maintenant, j'affiche une expression butée. Ses traits se durcissent. La pression sur mon épaule s'accroît quand il comprend que je ne flancherai pas et je retiens une grimace de douleur.
- 3 jours d'exclusion, Jarek ! L'autre gamin a le poignet cassé et tu n'as même pas été foutu de lui présenter tes excuses !
Soudain, il me repousse brutalement et pris de court, je trébuche vers l'arrière avant de me tenir à la rambarde des escaliers.
- Il l'a mérité, articulé-je entre mes dents serrées.
En deux enjambées, il est de nouveau devant moi. Sa main attrape le col de mon polo et pendant qu'il me secoue, mon stoïcisme laisse place à une émotion plus forte, plus virulente et plus dangereuse. La colère.
- Quand est-ce que tu vas arrêter de te comporter comme un moins que rien ? me hurle-t-il au visage.
Ses mots ont l'effet d'un uppercut au visage. Je tressaille, et un frisson me parcourt. Mes poils se hérissent sur ma peau et mes muscles se tendent inconsciemment. Mes bras ballants reposent le long de mon corps et je sens mes poings se serrer tellement fort. La tension irradie de tout mon corps. Mon regard est aussi froid que le sien à présent. Nos regards s'affrontent en silence pendant quelques secondes où je ne trouve pas de mots. J'ai l'impression d'être paralysé et pris au piège. Je dévisage l'homme qui m'a vu grandir depuis l'enfance, mais pour qui je suis plus un fardeau qu'autre chose, et ma gorge se serre. Je déglutis difficilement et quand je prends la parole, ma propre voix sonne trop faible à mes oreilles.
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Nos combats les plus précieux
Teen FictionQuand trois adolescents tourmentés par la vie trouvent la force de continuer à se battre dans leur amitié... Kessyah, Jarek et Ichiro nouent un lien fort et unique lors de leur dernière année de lycée, cette période de croisement entre les derniers...