Scandal [ANCIENNE ÉDITION]

Chapitre 33 - Harper

J'espérais sincèrement que nous n'aurions jamais à reparler de ce moment.

Il était, à mes yeux, déjà devenu tabou.

Cependant, par malchance, il ne nous appartient plus.

Cela aurait été bien trop simple si nous n'avions pas été filmé.

Comment avons-nous pu croire que nous allions pouvoir vivre un moment intime sans être filmé ?

Tout le monde sait dans quel hôtel nous logeons si bien que nous devons constamment faire attention.

Et pourtant, nous n'avons pas été capables de nous protéger.

Qui sait ce qu'ils auraient pu filmer s'ils étaient venu à un autre moment ?

Que serait-il arrivé s'ils nous avaient filmé en train de nous crier dessus ? Pire : que serait-il arrivé s'ils avaient entendu nos discussions comment nous organiser pour faire croire au monde que nous sommes ensemble ?

Nous n'avons pas mesuré le risque suffisamment haut, et à cause de cette erreur, des photos de nous presque nus, en train de nous toucher et de nous embrasser sont publiques.

Ont-ils seulement une idée d'à quel point c'est désagréable de se réveiller le matin et de voir que notre corps à moitié dénudé figure dans de nombreux articles ? Ont-ils une idée d'à quel point c'est gênant quand notre famille voit ça et nous appelle ?

J'ai la chance d'avoir une famille qui a compris depuis longtemps que je suis suffisamment vieille pour avoir ce genre de relations, mais cela ne m'empêche pas d'être gênée lorsqu'ils m'appellent, s'inquiétant de si je vis bien le scandale.

Parce que cet appel me rappelle qu'ils ne sont pas passés à côté et que ceux qui les connaissent non plus.

Parfois, je me dis que je fais honte à cette famille quand ce type de scandale sort au grand jour.

Et parfois, je me demande comment fait Tyler pour ne jamais paraître déranger que son corps fasse la Une des journaux.

Cela dit, j'ai conscience qu'il est particulièrement fier de son corps et qu'il n'hésite pas à le montrer de lui-même au monde entier.

Pourquoi serait-il gêné que l'on voit légèrement son ventre, alors qu'il affiche constamment ses abdominaux sur ses réseaux sociaux ?

Malgré tout ça, je réalise que ce qui me dérange le plus, ce n'est pas tant qu'une partie de mon corps a été rendue publique sans mon consentement.

Non.

En fait, je déteste cette situation seulement parce que je déteste l'idée qu'on m'ait volé ce moment intime et qu'on l'ait rendu public sans que je le veuille.

Au fond, même si je regrette ce qu'il s'est passé, je voulais tout de même le garder pour moi.

J'avais l'impression que, pour une fois, c'était une chose qu'on ne pourrait jamais me voler.

Mais j'ai eu tort.

La vie privée est quelque chose qui finit toujours par être violé.

Soit par des inconnus, soit par nos proches.

Et le pire dans tout ça, c'est que nous ne pouvons rien faire. Après tout, ce n'est pas un scandale puisqu'officiellement, nous sommes en couple.

Aux yeux du monde, nous ne faisons rien de mal.

Outre les quelques médias extrémistes qui considèrent que leur foi doit être celle des autres.

Ceux-ci sont d'ailleurs accusés par beaucoup pour avoir eu ce manque de respect envers notre vie privée et je suis heureuse de savoir que quelques personnes qui, même sans savoir ce que nous vivons au quotidien en tant que célébrité, nous défendent.

Cela fait du bien de se sentir comprise par la majorité, pour une fois.

Décidant que me tourmenter ne servira à rien, je rejoins alors la salle à manger pour prendre mon petit-déjeuner.

Tyler est déjà là, attablé, en train de dévorer son œuf brouillé.

Une fois ma nourriture commandée, je m'assois en face de lui.

— On devrait parler de ce qu'il s'est passé hier soir, annoncé-je de but en blanc.

Il relève les yeux de son assiette pour m'observer.

— Il n'y a rien à dire, répond-il sèchement après quelques secondes de silence. Il vaut mieux oublier, ça ne valait rien.

— Oublier ? me moqué-je. Des photos de nous à deux doigts de baiser tournent partout sur Internet. Comment tu veux oublier ce qu'il s'est passé ?

Ma dernière phrase, je la lui hurle au visage.

Je ne devrais pas être si énervée pour si peu.

Mais pour une raison que je suis incapable d'exprimer, j'ai ressenti comme un pincement au coeur à la seconde où il m'a dit préférer que nous oublions ce qu'il s'est passé.

Pourquoi devrions-nous oublier cela ? Et surtout, comment ?

Je ressens encore l'électricité qui a parcouru chacune de mes terminaisons nerveuses alors qu'il m'embrassait avec une passion que je n'avais jamais vu chez qui que ce soit.

J'ai encore le goût de ses lèvres sur les miennes.

J'ai encore la sensation de ses mains sur mon corps.

— En l'oubliant, tout simplement, grogne-t-il. Et si t'en es pas capable, fais au moins semblant.

Je secoue la tête.

— Tu as pensé au fait que toutes les personnes qui savent que nous faisons semblant d'être ensemble vont penser ?

Il plante enfin son regard dans le mien.

— Sincèrement ? Je m'en fou. Nous avons accepté de faire semblant d'être ensemble, mais nous ne nous sommes jamais engagés à ne pas pouvoir nous toucher pour le plaisir. Nous sommes adultes et consentants, alors ils n'ont rien à nous dire. Et s'ils sont vraiment chiants, on peut toujours dire qu'on a remarqué un paparazzi et qu'on s'est dit que ce serait une manière de montrer au monde que nous sommes vraiment ensemble.

— Sauf que ce n'est pas le cas, ajouté-je.

— Sauf que ce n'est pas le cas, confirme-t-il en répétant mes mots. Quoi qu'il en soit, je n'ai pas envie d'en parler avec toi. C'est inutile. Comme tu l'as toi-même dit hier, c'était une erreur.

Il a raison.

C'est moi qui ai décidé de tout arrêter hier soir. On aurait pu continuer, on aurait pu aller loin.

Mais comment aurais-je pu continuer alors que je savais qu'on nous observait ?

Je ne suis pas bien sûre de ce qu'il se passe entre nous ni même s'il se passe quelque chose. Je ne sais pas si cette attirance n'est que physique ou si elle veut dire plus.

Je baisse la tête et observe mes chaussons aussi gris que mon moral.

Comment oublier alors que je suis hantée par les images d'hier soir ?